"Je n'ai jamais pensé qu'un couple était à l'abri d'une séparation. Je n'ai jamais eu ce genre de certitude. J'ai toujours été formidablement étonnée, tous les jours, que les choses continuent.
Nous avons le même âge, Montand et moi. S'il a vécu mon vieillissement à mes côtés, moi j'ai vécu son mûrissement à ses côtés. C'est comme ça qu'on dit pour un homme. Ils mûrissent, les mèches blanches s'appellent des tempes argentées, les rides les burinent et parfois ils baladent des cinquantaines qui ressemblent à celle qui auréolait M Vantieghem au Cours secondaire de Neuilly, quand j'avais dix-sept ans. Quand de surcroît ils jouent bien et qu'accessoirement ils chantent aussi, qu'ils sont tendres, drôles et forts, célèbres et riches, il serait tout à fait anormale que les filles ne les regardent pas et qu'ils ne regardent pas les filles. Et il serait tout à fait présomptueux d'écarter la possibilité qu'ils tombent amoureux pour de vrai, et pas nécessairement d'une salope.
Je crois pouvoir dire que si Montand tombait amoureux d'une fille jeune et belle avec laquelle i ait envie de refaire une vie, c'est-à-dire de se réveiller avec elle dans un lit qui ne serait pas le sien à elle, mais leur à tous deux, dans une autre maison qui serait la leur à tous deux, j'essaierais de nap as faire peser le "Tu ne vas pas me faire ça après tout ce qu'on a vécu ensemble". Je crois pouvoir le dire (1). Peut-être que je mens, que je me mens. Peut-être que je suis la reine des hypocrites en déclarant ça... Je le déclaire. En somme, je fais un peu comme François avec la lettre de la légion d'honneur. Je prends les devants , des fois que ça arrive...
Des fois que ça arrive la mignonne m'aurait quand même un peu dans sa maison, aussi. Même si je n'y mets jamais les pieds... Ce ne serait pas juste pour elle. Pas juste de peser sur le présent et le futur des gens au nom du passé (2) ... Mais ça serait quand même probablement comme ça...
Je fais ma grandiose... J'aimerais mieux que ça n'arrive pas... Si ça devait m'arriver, je me souhaite d'être à la hauteur de mes belles déclarations d'aujourd'hui."
Simone Signoret, La nostalgie n'est plus ce qu'elle était (éd. Point 1978 p 372)
Pourquoi (sans connaître leur vie privée, fors ce qui était de notoriété publique même si on voulait l'éviter) suis-je persuadée qu'elle a écrit ces mots alors que les jeux étaient déjà faits et son infortune consommée ?
Sororité.
(1) Personnellement, j'en suis moins certaine.
(2) Je crois au contraire que ce qui n'est pas juste c'est d'effacer d'un trait les bien-aimées du passé proche au nom d'un séduisant présent. Et que ça ne se fait pas impunément.
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