"Un long moment de silence" de Paul Colize (éditions La manufacture de livres)
J'avais dévoré "Back up" du même auteur fin mai, juste avant qu'un pan du ciel de ma vie ne me tombe sur la tête (1). Quand j'avais vu qu'il existait du même auteur un nouvel opus, lequel était qui plus est doté d'une des plus réussie 4ème de couv (2) qu'il m'ait été donné de croiser, je m'étais empressée de me le procurer.
Puis voilà, ma fin de ce printemps qui avait déjà tant ressemblé à un hiver me l'avait fait poser dans un coin, je n'avais que l'énergie d'accomplir en plus du quotidien d'intendance et du travail alors triste puis que la librairie s'apprêtait dans les mois à venir à fermer, que les lectures purement professionnelles.
Me sentant en ce début d'année 2014 enfin un petit peu sortie de l'ornière, et libérée légèrement du rythme de lectures obligatoires par l'absence d'emploi, je l'ai repris hier, avec une grande envie de songer à tout autre chose qu'à ma vie.
Ce n'était pas gagné, il est difficile pour un roman d'extraire quelqu'un de ses tracas quand ils s'accumulent, quand bien même il ne s'agit que d'amour et autres MPP (3).
Ça a marché.
Ça a fonctionnée d'entrée de jeu ou presque, un prologue vu à hauteur de très petit enfant, un premier chapitre décrivant un attentat au Caire (4) (en 1954), un narrateur peu complaisant envers lui-même, ce qui est assez remarquable, ça, de mettre le lecteur entre les mains d'un odieux décomplexé - dont on devine qu'à un moment donné on comprendra ses circonstances atténuantes - et des chapitres de retour vers l'histoire contemporaine et comment tout ça prend forme peu à peu dans l'esprit de qui se laisse embarquer, et le bon dosage entre révélations, et zones d'ombres persistantes, pensées introspectives, sexe (5), action et mise en ambiance - le petit village italien où l'on se croirait, des villes allemandes, une aire d'autoroute, le New-York d'après guerre ... -.
Je ne vois guère que deux catégories de public à écarter de ce roman, dont la fin après la fin ne m'a pas surprise, une intensité la laissait deviner (6), je déplore seulement quelque chose de tellement prévisible et qui n'est pas sans rappeler certains films Bogart - Bacall, alors au lieu de déplorer je m'apprête à considérer qu'il s'agit d'un clin d'œil, d'une référence, bref, donc deux catégories et deux seulement sur lesquelles ce livre pourrait ne pas apporter le bon effet de lecture escompté :
- ceux qui n'aiment pas le genre policier, roman à énigme, plein d'actions ;
- les migraineux chroniques, dont j'ai peur que les trop efficaces descriptions des maux de tête du héros Stanislas Kervyn, ne viennent à leur rappeler douloureusement les leurs ; à moins qu'au contraire ils se sentent ainsi un peu moins seuls dans leurs souffrances.
Enfin, je reste un peu troublée par la ressemblance pas seulement physique mais pour partie de façon d'être (sauf qu'étant plus âgé il serait un peu comme le même après l'opération et donc un peu limité dans certaines de ses ... euh ... ambitions), avec quelqu'un que je connais, en particulier cette caractéristique qu'il a(vait) de se considérer comme trahi par les femmes qu'il a poussées au désespoir. Mais peut-être qu'au fond il s'agit dans la région d'un modèle hélas courant.
Et très séduite, j'allais écrire "comme dab" par les fins de chapitre, titres de ceux-ci et ce que ça dessine.
Reste posée la sempiternelle question de la vengeance nécessaire ou évitable, de l'ombre de l'Histoire sur les vies d'humains et effleurée celle des mystères de la trahison, la vraie, la très mortelle, celle des combattants.
Si j'étais en boutique, je mettrais sans hésiter ce roman en avant.
(1) J'ai l'habitude, je suis une femme que l'on quitte pour plus blonde, ce qui est très facile.
(2) Moi qui d'ordinaire les déteste, les évite, leur reproche de donner des romans une idée biaisée (quand ils ne spoïlent pas, carrément)
(3) Méga Problèmes de Privilégiés ( ⓒ Anita de La pêche à la baleine )
(4) Triste effet Zahir avec l'actualité du jour place Tahrir
(5) mais pas trop pour un récit mettant en scène un personnage principal queutard, soignant ses migraines (nombreuses) à coup d'en tirer. On remarquera que l'apparition des premières et unique occurrence de Jambes Interminables n'intervient qu'à la page 343, ce qui compte tenu du contexte est un bel exploit.
(6) La page 448 m'a fait pleurer.
source : achat personnel au printemps dernier
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