"Billie", Anna Gavalda (édition le Dilettante, octobre 2013)
Commençons par les deux bémols qui en fait quand j'en ai su davantage, se sont réduits à un.
- Comme dab je crisse un tantinet sur le style. C'est marrant d'ailleurs, Sorj Chalandon et Anna Gavalda me posent le même problème alors qu'ils écrivent fort différemment : mais voilà, mon goût personnel va vers l'économie, le pur bonheur c'est lorsqu'en lisant on ne remarque rien et qu'après coup on s'aperçoit que des phrases qui semblaient si simples, discrètes, limpides, sont restées. Je n'aime pas trop quand c'est trop beau (comme chez l'ami Sorj qui nous sort en plein bombardement un sublime alexandrin) ou trop foutraque (OK, c'est Billie qui parle mais elle en fait un cran de brin plus qu'il n'en faut). Quand ça flamboie, j'ai tendance à sortir de ma lecture, un peu comme dans les films un faux-raccord, un technicien dans le champ. Cela dit, j'ai remarqué en librairie que lorsque le style est trop discret, ciselé dans la mesure, de nombreux lecteurs se sentent frustrés ou considèrent que "C'est mal écrit".
- La couv.
D'accord il y a un âne dans l'histoire mais pourquoi diable un tout petit comme ça. Depuis j'ai eu la réponse. C'est l'éditeur qui a tenu parole dans un pari entre eux. Du coup je la trouve mieux. On vit dans une époque où tant de choses sont passées à la moulinette du marketing qu'une bouffée de On s'en fout si ça plaît pas, précisément me plaît.
Pour le reste, tout le reste, c'était à nouveau un bonheur pour moi. Anna Gavalda nous embarque toujours avec des personnages que je trouve terriblement attachants, et auxquels je m'identifie facilement. Avec Billie c'était encore plus facile, j'ai reconnu en elle mes propres trames et syndromes quand bien même par rapport à elle je suis née très privilégiée. Elle se débrouille toujours pour qu'ils fassent chauds au cœur, alors certes, peut-être pas à tout le monde, - un odieux anti-mariage pour tous bien dictateur de sa petite famille et frappeur d'enfant sous couvert de "bonne éducation à principes", s'en prend plein la tête au sens littéral et c'est, après tout ce qu'on a dû subir l'hiver dernier, une franche jubilation ; de plus le héros, Franck, est un jeune homosexuel, je n'aurais pas pensé à le signaler il y a encore un an mais au vu de l'homophobie qui dans ce pays s'est soudain révélée, revendiquée, je me dis qu'hélas ça compte (1) -, n'empêche aux gens comme moi si. Et la relation entre ces deux laissés-pour-compte, celle qui vient de trop en bas et n'a pas eu de mère, celui qui n'aime pas comme il faudrait et dont le père s'est nazifié, qui par l'entraide et s'aimer s'en sortent, elle me va. D'ailleurs, même si in fine j'ai morflé à chaque fois, il se trouve que par deux fois dans mon existence j'ai pu aussi y croire, à ce qu'on s'en sorte comme ça (2).
Le rythme de la narration en plus est impeccable : gros plans sur les scènes cruciales, avance rapide sur le reste, je pense qu'on ne s'ennuie pas (3).
Comme pour "Ensemble c'est tout", et comme mon côté Billie me colle aux basques ("Je lui ai répondu qu'il avait bien fait, vu que je suis toujours plus ou moins en train de traverser un gros chagrin d'amour"), j'ai à nouveau lu un roman d'Anna G. en période de peine, ce roman m'a accordé quelques heures de trève, d'oubli de mes tracas, de reconstitution de mes forces, d'encouragements à ne pas basculer du côté obscur à force de coups encaissés et que d'autres m'aient blessée.
Ce livre est pour tous ceux qui ont besoin de tenir bon et d'avoir chaud au cœur.
Quant aux autres, "on les emmerde".
(1) Moi qui ai cru si naïvement que c'était une affaire réglée, que tout le monde devait être à égalité, que si une orientation sexuelle est minoritaire, elle n'en est pas pour autant méprisable, quelle déception ça a été, cette opposition insensée à une loi qui offrait à tous une légitimité.
(2) Ce n'était pas si foireux, d'ailleurs, à chaque fois l'autre s'en est sorti ; mais d'être devenu capable de mieux, la première chose ensuite faite fut de me laisser tomber. Je suis un bon trépied.
(3) Je veux dire même des lecteurs exigeants sur la dynamique, plus jeunes par exemple que moi.
source : bah, je l'aurais eu de toutes façons, mais je voulais le lire déjà aussi par choix.
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