"The Cuckoo's calling" Robert Galbraith (Sphere 2013)
C'est une des dernières "vraies" clientes que j'ai eues à la librairie qui m'a mis la puce à l'oreille, Il paraît qu'il y a un roman policier écrit par JK Rowling sous un pseudonyme masculin, avec "coucou" dans le titre. On n'en était déjà à ne plus pouvoir passer de commandes, j'ai néanmoins fait la recherche pour elle. C'était juste avant que la nouvelle ne se répande du pseudo révélé (de la pseudo-révélation du pseudo ?) il a donc fallu faire une vraie recherche à partir d'un Bernard ou Robert - quelque chose et "Coucou" dans le titre. Le gag étant qu'ensuite la dame, bien qu'informée un peu en amont, cherchait pour elle de toutes façons le roman en français - qui ne sera publié qu'en novembre -.
Ma curiosité avait été titillée ; histoire de ne pas avoir fait la recherche en vain, je me suis procurée le livre à pas cher en anglais - juste avant que la demande n'enfle -.
Je ne suis concernant les Harry Potter ni fan ni méprisante ; j'ai aimé en lire certains tomes à mon fils qui avait encore le plaisir de la lecture du soir. Avais apprécié l'humour du tome 1 (lu en V.O., peut-être qu'on y perd en humour en passant au français), trouvé que dans des suivants il s'était perdu face aux péripéties touffues qui nécessitaient que l'écriture avance à marches forcées ; admiré le travail de cohérence ; été émue par des passages d'un jeune Harry obligé de retourner dans sa banlieue d'origine l'été sans nouvelles de ses amis (ça alors, on se demande bien pourquoi ?) ; globalement regretté d'avoir passé l'âge. Je n'avais donc pas d'a-priori.
Il était dit que de cet été malheureux, resterait au moins le plaisir de lire.
Je me suis délectée.
C'est un roman policier ultra-classique avec résolution de l'énigme. C'est un whodunnit et rien de plus. Mais un whodunnit porté à une sorte de perfection du genre. Ça faisait 25 ans que je n'avais pas lu de tel roman avec à la fois une envie enfantine d'avoir le fin mot de l'histoire et à quelques dizaines de pages de la fin aucune idée de résolution pas même la traditionnelle fausse piste sur laquelle l'auteur cherche à nous embarquer.
L'intrigue est comme une horlogerie parfaitement calibrée qui aurait plu à Agatha Christie. Rappelle un peu la maestria de "La vérité sur l'affaire Harry Québert" .
Les personnages sont un vrai bonheur, entre la jeune femme dynamique, qui aurait tant plu à Agatha, et le détective baroudeur blessé mais avec de beaux restes dans sa débine. D'entrée de jeu le couple enquêteur magique est posé avec un brin de tension sexuelle façon John Steed et Emma Peel - mais rien ne peut se passer et on le sait, mais on passe quand même son temps à attendre que quelque chose se passe -.
Le style est au petit poil, avec des emprunts au français pour nous autre so delightful. Et des passages en "purs mots justes" qui ne dépareraient pas dans un roman de littérature "littéraire". Certes il n'y a d'autres prétentions que d'embarquer le lecteur dans une intrigue et lui sortir le cerveau de sa vie quotidienne et de ses tracas. Il n'empêche que plus d'une fois je me suis dit que qui avait écrit ça en avait sous la semelle. Que le choix du genre était là pour se doter d'un cadre (et d'un public potentiel ?), mais que l'auteur était capable d'aller où elle voulait.
Je n'aurais pas su deviner son identité, et même là tout est si bien enclenché j'ai du mal à ne pas penser à des relecteurs en amont performants et très fins, mais il aurait été pour moi évident que ce livre n'avait pas été écrit par un homme hétérosexuel seul. J'aurais probablement pensé que Robert travaillait avec sa femme qui lui en avait fait rabattre sur certaines vantardises inévitables chez les romanciers et rajouter sur les qualités de certaines des femmes, dont l'assistante formidable. Elle a pourtant fait l'effort de nous glisser deux "jambes interminables" mais d'une part on circule dans le milieu des top-modèles donc la "jambes interminables" se conçoit, et d'autre part l'une des occurrences est fournie avec l'explication du pourquoi de ce fantasme inévitable et récurrent. Précaution qu'aucun auteur homme n'aurait jamais prise.
(sourire et second degré, quoique)
Il m'a fallu ralentir la lecture tant je n'avais pas envie de les quitter ces deux-là, Robin et Cormoran.
Ni non plus de ne plus recevoir au détour d'un paragraphe des considérations que j'ai trouvées plutôt censées sur les contraintes d'une vie sous les projecteurs et les conséquences que peuvent avoir sur un être humain normal l'afflux soudain de la fortune. J'ai aimé la petite épaisseur qui venait là, les petits détails qui font penser - il en figure aussi sur notre société -.
Attention : il ne s'agit pas du même genre de plaisir que peu fournir la lecture de Proust, Rilke ou Woolf, on est avec cet "Appel du coucou" dans le divertissement. Mais il se tient fort bien, peut apporter beaucoup.
Tant que j'enquêtais avec eux, mes peines se sont atténuées. J'ai eu ces petites hâtes joyeuses d'en avoir fini avec ce que je faisais (un repas, du sport, des moments plus ou moins connectés ...) afin de reprendre ma lecture. Si j'ai parfois pleuré, ce n'était pas de mon chagrin actuel mais parce que le couple Robin / Strike m'émouvait. Bref,
Thank you Robert(e) !
Et un défaut : la rue proche du cabinet du détective privé, Cormoran Strike, personnage principal s'il en est, et qui l'emprunte sans arrêt, ou bien son assistante porte le nom de l'homme que je tente si difficilement d'oublier. Please JK, ask me next time what name not to use ;-) .
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