Sauf accident ou maladie, je n'oublierai pas que j'ai longtemps lu tout simplement pour tenir dans un quotidien lourd et gris. En accédant à un bon métier qui me permet de lire par obligation professionnelle (quel bonheur ! moi qu'on a tant culpabilisée parce que je lisais plutôt que de me consacrer aux tâches ménagères), et partant de là capable de lectures techniques et très exigeantes, je n'ai pas perdu le plaisir du bon roman, celui qui n'a d'autre ambition que de nous accompagner un bout de chemin, nous tenir bonne compagnie une ou deux soirées, rendre supportable pendant une semaine nos trajets vers le boulot (1). On ne peut pas demander à chaque ouvrage qu'on ouvre de nous changer la vie.
De celui-ci, que je viens de déguster avec grand plaisir, me resteront je le sais la sensation de Toscane - elle est comme dans le souvenir que j'en ai, et je rêve d'y retourner, mais c'est totalement, sauf loto brutal, hors de ma portée - et une réflexion pas du tout anodine sur la façon dont les gens considèrent le passé, leur passé et partant de là leurs relations à ceux des autres qui le peuplaient (2). J'oublierai la fin qui m'a déplu. C'est une question de goût personnel, d'autres vont l'adorer, je le sais.
J'oublierai sans doute aussi ce que la 4ème de couv., beaucoup trop bavarde, quelle erreur, elle dit trop, présente comme le sel de l'histoire, on n'a pas besoin pour se lancer de savoir davantage que :
Une femme dont le métier est d'écrire depuis de nombreuses années, se retire en Toscane afin d'avancer son roman en cours. Elle laisse, il est habitué, son mari à Paris.
Pour le reste, c'est simple, lisez. Il y a du plaisir à y trouver, quelques ombres sur les relations au sein d'un couple vieillissant, quelques délicieux émois par ailleurs, des choses de la vie que l'on retrouve si justes, une existence de privilégiés qui à la façon des films d'antan (ceux dont les personnages portent de beaux habits, vivent dans de belles maisons, n'ont pas la moindre idée ou si vague, de ce qu'est une fin de mois difficile, vous savez ces délicieux américains des années 50) permet le temps qu'on y fait escale d'oublier un peu le quotidien concret.
Il est de plus parfait pour janvier ou février, puisqu'à part un acte, comme au théâtre, qui se déroule au gris de Paris, tout se passe dans la lumineuse Italie et qu'il y fait le plus souvent chaud, éclats de rire, présence de la mer, café familial du port et villa dans les quartiers du haut.
Un bon moment de détente, très bon, un très doux lâcher-prise avant de s'en retourner au travail, aux quotidiennes corvées.
(1) Tant pis pour vous si vous allez au travail en voiture (ou alors : livres audio ?).
(2) Ce thème apparaît aussi dans "Les lisières" d'Olivier Adam dont le narrateur "efface" systématiquement, quand il quitte un lieu ou un milieu il en oublie aussi la plupart des gens. S'en étonne lui-même à plusieurs reprises.
PS pour Matoo : je ne garantisse pas que tu l'aimes celui-là, il est plutôt pour le bonheur des dames déjà un peu âgées (et quel bonheur ! #graou), mais qui sait ? ;-)
PS' : Le choix de l'image de couverture est aussi un bonheur. Si ma bibliothèque personnelle n'était pas déjà sur deux voire trois rangées avec des livres coincés aussi par dessus, je l'y ferai figurer à plat, face au passant.
PS'' : Cela dit même si la fin n'est pas à mon goût ce sur quoi elle se base n'est pas sans fondements dans la réalité non-romanesque : pour que du bon advienne, une condition nécessaire est d'être suffisamment rétabli(e) des difficultés et douleurs qui ont précédé. Rien n'adviendra sans sérénité.
Sur le coup, je réussis tout de même (parfois) à m'intéresser à des bouquins dont je ne suis pas la cible majeure. Mais c'est vrai qu'avec le Francis Dannemark, aheum.... Bref. :D
Rédigé par : Matoo | 06 janvier 2013 à 03:08
On peut toujours bien sûr, apprécier des romans dans lesquels l'identification ne se produit pas, mais il faut au moins ressentir sinon affinité du moins compassion pour l'un des personnages.
Je crois quand même que pour qu'un roman fasse partie de ceux qui nous restent longtemps à l'esprit, ça marche surtout si l'un d'eux nous est proches au moins de façon de percevoir le monde.
Or il se trouve que la même façon que quelques pages du "Journal d'un corps" de Daniel Pennac ont été écrites pour le réconfort et l'espoir des messieurs âgés, "De là, on voit la mer" comporte des éléments très agréables pour celui des dames dont les compagnons sont hélas atteints par l'andropause. Sans être dupes, ça fait du bien de rêver.
Mais je conçois que cet aspect du roman laisse de marbre tout autre type de lecteur :-)
PS : pour le livre de Dannemark je pensais que la part Bonheur de cinéphile pouvait auprès d'un lecteur jeune sauver la part "hommes finis" de l'histoire romanesque.
Rédigé par : gilda | 06 janvier 2013 à 15:46