Curieux, j'ignore comment ce livre s'est imposé à moi, il me semble que c'est à la suite de cet article, du fait aussi que j'éprouve le besoin face aux lectures professionnelles ou imposées par les circonstances, de m'accorder un brin de vadrouille.
C'est aussi que l'annonce du décès d'une bonne camarade de l'internet, dont j'aimais à suivre le blog lorsque j'en avais le temps, mais que je n'ai pas eu l'honneur de connaître suffisamment à temps, me peine comme un important rendez-vous manqué.
Alors j'éprouve le besoin de ce voyage en d'autres vies que les livres ou les films nous accordent. Mais pour cet usage, quelle que soit leur qualité, il faut qu'ils soient choisis et non imposés.
Enfin, il y avait ce DVD emporté en week-end pour être vu, mais pour lequel, l'esprit préoccupé ou présomptueux (peut-être que j'estimais être capable de le visionner par capillarité, via une simple imposition de ma main gauche sur le boîtier ?), j'avais omis de prendre l'équipement idoine au visionnage. Ce qui dès lors me libérait une grande soirée.
J'ai donc attaqué sous ces auspices l'autobiographie de Corine Marienneau, "Le fil du temps", un tome 1 dépourvu de tome 2 pour l'instant.
Le style dépourvu de tout fioriture m'a plu, les choses sont dites sans chercher à charmer, mais de façon claire et nette. Les chapitres vont à l'essentiel. Ce qui est confié de l'enfance est ce qui permet(tra) de comprendre des éléments de la suite. Les flous sont laissés en l'état - par exemple lors des périodes de tournées, la superposition dans la mémoire de dates, de rencontres, aisée à résoudre par des recherches documentaires est laissée telle qu'elle : il ne s'agit pas d'être exaustive mais de restituer un ressenti ). Les partis pris sont assumés : les hommes l'ont déçue, elle le dit, elle passe pour l'empêcheuse de tourner en rond, elle en était consciente à l'époque et le dit, a fait défaut à quelques-uns qui l'aimaient eux de trop près, l'avoue.
Se sait d'un moins grand niveau musical que ceux qui furent ses trois compères, ne prétend pas à davantage, mais sait aussi que l'alchimie d'un groupe n'est pas dans un "chacun meilleur dans son domaine", qu'il s'agit au contraire de stimulante complémentarité.
Mon rôle auprès des hommes étant assez similaire me voilà chaleureusement mise en garde contre l'amertume qui pourrait me gagner et à laquelle j'espère encore échapper. Probablement car je n'ai pas le genre de rêve qu'elle avait, que j'ai toujours su les hommes polygames à moins d'être fous amoureux fous, mais pour quelqu'un comme nous alors assez insupportables car étouffants. Éternel problème de la bonne distance d'autant plus introuvable qu'en occident nous avons eu cette si belle (mais utopique ?) prétention d'allier l'amour à la vie quotidienne partagée.
S'il est trop lourd d'inconsolables chagrins ce témoignage ne manque pas d'humour - la page consacrée aux différents types de groupies m'a fait rire, je la crois si vraie -, de lucidité, de retenue (1).
Paradoxalement et alors que j'éprouve de la sympathie pour le groupe dont les morceaux principaux ont bercé (2) mes moments dansants , et à un passage près (3), le fait que ce soit à leur sujet que j'apprenais des éléments de l'envers du décor m'a laissée indifférente. Il pourrait s'agir de tout groupe au succès comparable (s'il en existait), avec une femme et une seule qui n'en est pas la chanteuse.
Sinon, moi qui pratique le genre à l'excès, je n'ai pas su comprendre si les notes de bas de page étaient ou non un second degré. Tout y est détaillé à l'excès, tout juste si on ne nous indique pas "... Mick Jagger (4) ". Mais peut-être s'agit-il de plaisanteries privées, ou d'un comique de répétition, et non de supposer que les lecteurs sont des teen-agers aculturés ou des peuples du futurs.
À sa manière un peu malheureuse, ou maladroite, mais semble-t-il sincère et en tout cas touchante, ce livre sensible m'aura fait du bien. Et en tant que libraire, je proposerai volontiers le tome 2 s'il paraît. De même que je rencontrerai volontiers la femme que cette vie-là a traversé.
(1) Je suis persuadée qu'alors que certains lui auront reproché d'avoir "balancé" elle en avait infiniment plus à raconter si elle l'avait souhaité. Or elle s'en tient à ce qu'elle ne peut contourner. Ou, concernant certains personnages publics (au sujet desquels tout a déjà été dévoilé même au delà de la vérité), à ce qui peut amuser. Et puis il y a toujours de la tendresse, y compris pour ceux qui se sont révélés mufles par la suite, ou tellement oublieux.
(2) bercent encore mais allez savoir pourquoi, ils se font plus rares.
(3) Celui où est relaté le concert du 14 juin 1982 à l'hippodrome d'Auteuil en première partie des Stones. N'ayant pas les moyens de m'offrir une entrée, mais logeant alors au foyer des lycéennes tout proche, je m'étais glissée dans une avenue voisine - charme des concerts en plein air, pas besoin d'être dans l'enceinte officielle pour entendre - et m'étais régalée. C'était donc Téléphone cette première partie si enlevée. L'apprendre ainsi 30 ans après. Et je me souviens des Stones tardant puis sans doute pour leurs fans en fin de concert décevants : les limousines noires que j'avais vu passer alors que le public euphorique réclamait un bis (ou un ter), sans savoir que ses idoles étaient déjà hors zone.
(4) chanteur des Stones
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