Je n'en ai guère trouvé d'édition plus récente que celle de 1909 par un éditeur marseillais Nicéphore Jehan. Mon privilège étant de pouvoir le lire à la BNF du moins tant que l'ouvrage sera considéré comme dans un état compatible avec sa mise à disposition.
Je crains de ne pas pouvoir en disposer longuement, d'autant qu'arrive la période de fermeture annuelle.
Alors je vais vite noter les têtes de chapitres, pour certains fort brefs (moins d'une page), qui à elles seules sont un manifeste. L'homme est mort en 1729 ou 1733 (selon les sources, la date diffère), et l'on ignore quand ce travail considérable et qui lui aurait vallu bien des ennuis si de son vivant il n'était resté secret a été rédigé (1). Voltaire qui avait lu l'ouvrage et ne manquait pourtant pas de courage avait d'ailleurs tenu à en donner une version un brin édulcorée. Inévitablement le texte est daté et certains points de théologie contre lesquels il s'érige ont depuis longtemps, je crois, été dépassés. Mais il nous reste compréhensible et dans la force de pensée, quelle modernité. Trois siècles plus tard tant d'humains ne sont pas encore arrivés là. Je me demande si un éditeur aurait le courage de rééditer ce texte aujourd'hui.
Si j'étais éditeur, je le ferai. On en a besoin plus que jamais. Ces dernières années, partout dans le monde à divers degrés la pensée libre est menacée et rien n'est plus difficile que défendre son propre droit à la tolérance, à la non-conformité, à la liberté.
D'ailleurs personnellement j'étais équipée d'un athéisme non militant, très discret et infiniment respectueux des croyances de chacun. Pour n'avoir personne, aucune entité à remercier des isntants de grâce, de même que pour avoir accompagné de (trop) nombreuses personnes qui m'étaient bien-aimées vers des morts termes de longues maladies, il m'est arrivé plus d'une fois de regretter mon absence de foi (pardon pour ce qui ressemble à un jeu de mots, l'intention n'y est pas). Pour cette raison je ne me permettrai pas de tenter de priver qui que ce soit que j'aime et qui s'en satisfait, de sa foi. Je considère qu'il s'agit d'une question très intime sur laquelle il convient de ne pas empiéter.
Seulement depuis quelques années l'attitude revendicatrice et conquérante de certains esprits sectaires au nom de leurs croyances, est venue empiéter sur ma paix et le droit au respect de mon incroyance. Quelque chose me dit que je ne dois pas être la seule à ressentir cette pression-là.
Qu'on ne croie pas parce qu'il est porté par des paisibles et des calmes que l'humanisme est mort, ni l'esprit de nos aînés du Siècle des Lumières. Il ne se veut pas conquérant mais il est toujours là.
Liste des chapitres
I - Apologue
II - Qu'est-ce que la théologie ?
III - Suite
IV - L'homme ne nait point religieux ni déiste.
V- Il n'est pas nécessaire de croire à un Dieu et le plus raisonnable est de ne pas y songer.
VI - La religion est fondée sur la crédulité.
VII - Toute religion est une absurdité.
VIII - La notion de Dieu est impossible.
IX - Origine de la superstition
X - Origine de toute religion
XI - Avec la religion, des charlatans exploitent la folie des hommes
XII - La religion séduit l'ignorance à l'aide du merveilleux
XIII - Suite
XIV - Il n'y aurait pas eu de religion s'il n'y avait jamais eu de siècles stupides et barbares.
XV - Toute religion naquit du désir de dominer.
XVI - Ce qui sert de base à toute religion est ce qu'il y a de plus incertain.
XVII - Il est impossible d'être convaincu de l'existence de Dieu
XVIII - Suite
XIX - L'existence de Dieu n'est pas prouvée.
XX - Dire que Dieu est un esprit, c'est parler pour ne rien dire.
XXI - La spiritualité est une chimère.
XXII - Tout ce qui existe est sorti du sein de la matière.
XXIII - Qu'est-ce que le Dieu métaphysique de la théologie moderne ?
XXIV - Il serait moins déraisonnable d'adorer le soleil qu'un Dieu-esprit.
XXV - Un Dieu-esprit est incapable de vouloir et d'agir.
XXVI - Qu'est-ce que Dieu ?
XXVII - Contradictions remarquables de la théologie
XXVIII - Adorer Dieu, c'est adorer une fiction.
XXIX - L'infinité de Dieu et l'impossibilité de connaître l'essence divine motivent et justifient l'athéisme.
XXX - Il n'est ni moins sûr, ni plus criminel de croire à Dieu que n'y pas croire.
XXXI - La croyance en Dieu n'est autre chose qu'une habitude machinale de l'enfance.
XXXII - C'est un préjugé qui s'est établi en passant des pères aux enfants.
XXXIII - Origine des préjugés
XXXIV - Comment ils se propagent et s'enracinent.
XXXV - Les hommes n'auraient jamais cru aux principes religieux de la théologie moderne, si on ne les leur avaient enseignés que dans l'âge où ils sont capables de raisonner.
XXXVI - Les merveilles de la nature ne prouvent pas l'existence de Dieu.
XXXVII - Les merveilles de la nature s'expliquent par des causes naturelles.
XXXVIII - Suite
XXXIX - Le monde n'a pas été créé, et la matière se meut d'elle-même.
XL - Suite
XLI - Autres preuves que le mouvement est dans l'essence de la matière, et qu'il n'est pas nécessaire, par conséquent, de supposer un moteur spirituel.
XLII - L'existence de l'homme ne prouve nullement celle de Dieu.
XLIII - Et cependant l'homme ni l'univers ne sont point des effets du hasard [au regard du contenu du chapitre je pense que le "point" est ici de trop, du moins en français du XXIème siècle]
XLIV - L'ordre de l'univers ne prouve pas non plus l'existence de Dieu.
XLV - Suite
XLVI - Un pur esprit ne peut être intelligent et adorer une intelligence divine, c'est une chimère.
XLVII - Toutes les qualités que la théologie donne à son Dieu sont contraire à l'essence même qu'elle lui suppose.
XLVIII - Suite
XLIX - Il est absurde de dire que l'espèce humaine soit l'objet et la fin de la formation.
L - Dieu n'est pas fait pour l'homme ni l'homme pour Dieu.
LI - Il n'est pas vrai que le but de la formation de l'univers soit de rendre l'homme heureux.
LII - Ce qu'on appelle Providence n'est qu'un mot vide de sens.
LIII - Cette prétendue Providence est moins occupée à conserver qu'à troubler le monde, moins ami qu'ennemie de l'homme.
LIV - Non, le monde n'est point gouverné par un être intelligent.
LV - Dieu ne peut être réputé immuable.
LVI - Les maux et les biens sont les effets nécessaires de causes actuelles. Qu'est-ce qu'un Dieu qui n'y peut rien changer ?
LVII - Vanité des consolations théologiques contre les maux de cette vie. L'espoir d'un paradis, d'une vie future n'est qu'imaginaire.
LVIII - Autre rêverie non moins romanesque.
LIX - En vain, la théologie s'efforce d'affranchir son Dieu des défauts de l'homme : ou ce Dieu n'est pas libre ou il est plus méchant que bon.
LX - On ne peut croire à une providence divine, à un Dieu infiniment bon et puissant.
LXI - Suite
LXII - La théologie fait de son Dieu un monstre de déraison, d'injustice, de malice et d'atrocité, un être souverainement haïssable.
LXIII - Toute religion s'efforce d'inspirer une crainte lâche et déréglée de la divinité.
LXIV - Il n'y a point de différence réelle entre la religion et la superstition la plus sombre et la plus servile.
LXV - D'après les idées que donne la théologie sur la divinité, l'amour de Dieu est impossible.
LXVI - Par l'invention du dogme de l'éternité des peines de l'enfer, les théologiens ont fait de leur Dieu un être détestable, plus méchant que le plus méchant des hommes, un tyran pervers, cruel, sans but et par plaisir.
LXVII - La théologie n'est qu'une suite de contradictions palpables.
LXVIII - Les prétendus ouvrages de Dieu ne prouvent nullement ce qu'on appelle les perfections divines.
LXIX - La perfection de Dieu n'éclate pas davantage dans la prétendue création des anges, des esprits purs.
LXX - La théologie prêche la toute-puissance de son Dieu et le fait voir sans cesse impuissant.
LXXI - Suivant tous les systèmes religieux de la terre, Dieu serait le plus capricieux et le plus insensé des êtres [peut-être faudrait-il ajouter "monothéistes" ?]
LXXII - Il est absurde de dire que le mal ne vient pas de Dieu.
LXXIII - La prescience qu'on attribue à Dieu donnerait aux hommes coupables, qu'il punirait, le droit de se plaindre de sa cruauté.
LXXIV - Absurdité des contes théologiques sur le péché originel et sur Satan
LXXV - Le diable, comme la religion, a été inventé pour enrichir les prêtres.
LXXVI - Si Dieu n'a pu rendre la nature humaine impeccable, il n'a pas le droit de punir l'homme.
LXXVII - Il est absurde de dire que la conduite de Dieu doit être un mystère pour l'homme, et qu'il n'a pas le droit de l'examiner et de le juger.
LXXVIII - Il est absurde d'appeler Dieu de justice et de bonté un être qui fait tomber indisctinctement tous les maux sur les bons et les méchants, sur les innocents et les coupables ; il est fantasque d'exiger que les malheureux se consolent de leur infortune, dans les bras même de celui qui en est l'auteur ["serait" ?]
LXXIX - Un Dieu qui punit les fautes qu'il aurait pu empêcher est un fou qui joint l'injustice à la sottise.
LXXX - Le libre arbitre est une chimère.
"Les théologiens nous disent et nous répêtent que l'homme est libre, tandis que tous leurs principes conspirent à détruire la liberté de l'homme. [...]"
LXXXI - Il ne faudrait pas en conclure que la société n'a pas le droit de châtier les méchants.
LXXXII - Réfutation d'arguments en faveur du libre arbitre.
LXXXIII - Suite
LXXXIV - Dieu même, s'il y avait un Dieu, ne serait pas libre ; de là, l'inutilité de toute religion.
LXXXV - D'après les principes mêmes de la théologie, l'homme n'est pas libre un seul instant.
LXXXVI - Tout mal, tout désordre, tout péché, ne peuvent être attribués qu'à Dieu ; et par conséquent, il n'a pas le droit de punir ni de récompenser.
LXXXVII - Les prières des hommes à Dieu prouvent assez qu'ils ne sont pas satisfaits de l'économie divine.
LXXXVIII - La réparation des iniquités et des misères de ce monde dans un autre monde est une conjecture chimérique, une supposition absurde.
LXXXIX - La théologie ne justifie le mal et les injustices, permis par son Dieu, qu'en concédant à ce Dieu le droit du plus fort, c'est-à-dire la violation de tous les droits, ou en commandant aux hommes une dévotion imbécile.
XC - La rédemption et les exterminations continuelles attribuées à Jéhovah, dans la Bible, sont autant d'inventions bizarres et ridicules, qui supposeraient un Dieu injuste et barbare.
XCI. - Comment voir un père tendre, généreux et équitable, dans un être qui n'a donné le jour à des enfants que pour les rendre malheureux.
XCII - Toute la vie des mortels, tout ce qui se passe ici-bas, dépose contre la liberté de l'homme, contre la justice et la volonté d'un prétendu Dieu.
XCIII - Il n'est pas vrai que nosu devions aucune reconnaissance à ce qu'on appelle la Providence.
"On nous répète à tout moment que nous devons à la Providence une reconnaissance infinie pour les bienfaits sans nombre dont il lui plait de nous combler. On noue vante surtout le bonheur d'exister. Mais, hélas ! Combien est-il de mortels qui soient véritablement satisfaits de leur façon d'exister ? si la vie nous offre des douceurs, de combien d'amertumes n'est-elle point mêlée ! Un seul chagrin cuisant ne suffit-il pas souvent pour empoisonner tout d'un coup la vie la plus paisible et la plus fortunée ? Est-il donc un grand nombre d'hommes qui, si la chose dépendait d'eux, voulussent recommencer au même prix la carrière pénible dans laquelle, sans leur aveu, le destin les a jetés ? [...]
XCIV - Prétendre que l'homme est l'enfant chéri de la Providence, le favori de Dieu, le but unique de ses travaux, le roi de la nature : c'est une folie
XCV - Comparaison entre l'homme et les animaux
XCVI - Il n'est pas au monde des animaux plus détestables que les tyrans.
XCVII - Réfutation du l'excellence de l'homme
XCVIII - Conte oriental
pour mémoire : "À quelque distance de Bagdad, un dervis, renommé pour sa sainteté, passait des jours tranquille dans une solitude agréable. [...] sous la sauvegarde inviolable d'un habit respecté [...], que tes bontés sont grandes pour les enfants des loups."
XCIX - Il est insensé de ne voir dans l'univers que les bienfaits du ciel, et de croire que cet univers n'est fait que pour l'homme.
C - Qu'est-ce que l'âme ? On n'en sait rien. Si cette âme prétendue était d'une autre essance que celle du corps, leur union serait impossible.
CI - L'existence d'une âme est une supposition absurde ; et l'existence d'une âme immortelle, une supposition plus absurde encore.
CII - Il est évident que l'homme meurt tout entier.
CIII - Preuves incontestables contre la spiritualité de l'âme.
"Le dogme de l'immortalité de l'âme suppose que l'âme est une substance simple, en un mot, un esprit. [...]"
CIV - Absurdité des causes surnaturelles, que les théologiens appellent sans cesse à leur secours.
CV - Il est faux que le matérialisme soit déshonorant pour l'espèce humaine.
CVI - Suite
CVII - Le dogme de l'autre vie n'est utile que pour ceux qui l'exploitent à l'aide de la crédulité publique.
CVIII - Il est faux que le dogme de l'autre vie soit consolant ; et, quand bien même il serait consolant, on ne devrait pas en conclure qu'il fût vrai.
CIX - Tous les principes religieux sont imaginaires. Le sens intime n'est que l'effet d'une habitude enracinée. Dieu est une chimère ; et les qualités qu'on lui prodigue se détruisent l'une par l'autre [je pense que de nos jours on écrirait "qu'on lui attribue"]
CX - Toute religion n'est qu'un système imaginé pour concilier des contradictions à l'aide des mystères.
CXI - Absurdité et inutilité des mystères, forgés dans le seul intérêt des prêtres.
CXII - Suite
CXIII - Suite
CXIV - Un Dieu universel aurait dû révéler une religion universelle.
CXV - Ce qui prouve que la religion n'est pas nécessaire c'est qu'elle est inintelligible.
"Si la religion était nécessaire à tous les hommes, elle devrait être intelligible pour tous les hommes. Si cette religion était la chose la plus importante pour eux, la bonté de Dieu semblerait exiger qu'elle fût pour eux de toutes les choses la plus claire, la plus évidente, la plus démontrée. [...]"
CXVI - Toutes les religions sont ridiculisées par les croyances opposées et également insensées des partisans mêmes des différentes religions.
CXVII - Opinion d'un théologien fameux
[Il semblerait qu'il s'agisse du R.P. Hardouin, Jésuite, fameux en son temps]
CXVIII - Le Dieu des déistes n'est ni moins contradictoire, ni moins chimérique que le Dieu des théologiens.
CXIX - On ne prouve nullement l'existence de Dieu, en disant que, dans tous les siècles, tous les peuples ont reconnu l'empire d'une divinité quelconque.
"[...]. Mais la croyance de tous les hommes peut-elle changer une erreur en vérité ? [...]"
CXX - Tous les dieux ont eu une origine sauvage ; toutes les religions sont des monuments antiques d'ignorance, de superstition, de férocité ; et les religions modernes ne sont que des folies anciennes rajeunies".
CXXI - Tous les usages religieux portent le cachet de la stupidité ou de la barbarie.
CXXII - Plus une opinion religieuse est ancienne et générale, et plus elle doit être suspecte.
CXXIII - Le scepticisme, en matière de religion, en peut être l'effet que d'un examen superficiel et peu réfléchi des principes théologiques.
"[...] Comment peut-on se dire intimement persuadé de l'existence d'un être, à qui l'on est à tout moment forcé d'attribuer une conduite opposée aux idées que l'on avait tâché de s'en former ? [...] Être sceptique, c'est manquer des motifs nécessaires pour assoir un jugement. [...] Le scepticisme n'est qu'un état d'indécision, qui résulte de l'examen superficiel des choses. [...]"
CXXIV - La révélation réfutée.
CXXV - Où donc est la preuve que Dieu se soit jamais montré aux hommes et leur ait parlé ?
CXXVI - Rien n'établit la vérité des miracles.
CXXVII - Si Dieu avait parlé, il serait étrange qu'il eût parlé diversement à tous les adhérents des différents cultes qui tous se damnent mutuellement, qui tous s'accusent avec raison de superstition et d'impiété.
CXXVIII - Obcurité et origine suspecte des oracles
CCXIX - Absurdité des prétendus miracles
CXXX - Réfutation du raisonnement de Pascal sur la manière dont il faut juger les miracles
CXXXI - D'après les principes mêmes de la théologie, toute révélation nouvelle doit être réputée fausse et impie
CXXXII - Le sang même des martyrs dépose contre la vérité des miracles et contre l'origine divine qu'on donne au christianisme.
CXXXIII - Le fanatisme des martyrs, le zèle toujours intéressé des missionnaires ne prouvent nullement la vérité de la religion.
CXXXIV - La théologie fait de son Dieu un ennemi de la raison et des lumières.
"[...] En nous disant que cette sagesse déplaît à Dieu, n'est que folie à ses yeux, et qu'il veut la confondre, vous nous annoncez que votre Dieu n'est l'ami que des gens dans lumières et qu'il fait aux gens sensés un funeste présent , dont ce tyran perfide se promet de les punir cruellement un jour. N'est-il pas bien étrange que l'on ne puisse être l'ami de votre Dieu qu'en se déclarant ennemi de la raison et du bon sens ?"
CXXXV - La foi est inconciliable avec la raison, et la raison est préférable à la foi.
CXXXVI - Combien sont absurdes et ridicules les sophismes de ceux qui veulent substituer la foi à la raison.
CXXXVII - Comment prétendre que l'homme doit croire sur parole ce qui, dit-on, est pour lui la chose la plus importante ?
CXXXVIII - La foi ne prend racine que dans des esprits faibles, ignorants ou paresseux.
CXXXIX - Enseigner q'ul existe une religion qui est la véritable, c'est une absurdité et une cause de trouble dans les états.
CXL - La religion n'est point nécessaire à la morale et à la vertu.
CXLI - La religion est le frein le plus impuissant qu'on puisse opposer aux passions.
CXLII - L'honneur est un frein plus salutaire et plus puissant que la religion.
CXLIII - La religion n'est pas certes un frein plus puissant contre les passions des rois, qui sont, le plus souvent, des tyrans cruels et fantastiques, à l'exemple de ce même Dieu dont ils se disent les représentatns, et ne se servent de la religionque pour abrutir davantage leurs esclaves, les endormir dans leurs fers et les dévorer avec plus de facilité.
CXLIV - Origine de l'usurpation la plus absurde, la plus ridicule et la plus odieuse, qu'on appelle le droit divin des princes. - Sages conseils aux rois.
CXLV - La religion est funeste à la politique ; elle ne forme que des despotes licencieux et pervers, et des sujets absjects et malheureux.
"[...] S'il existait un Dieu bon, ne serait-on pas forcé de convenir qu'il néglige étrangement en cette vie le plus grand nombre des hommes ? Il semblerait que ce Dieu n'a créé les nations que pour être les jouets des passions et des folies de ses représentants sur la terre."
CXLVI - Le christianisme ne s'est répandu qu'en promettant le despotisme, dont il est, comme toute religion, le plus ferme soutien.
CXLVII - Les principes religieux ont pour but unique d'éterniser la tyrannie des rois et de leur sacrifier les nations.
CXLVIII - Combien il est funeste de persuader aux rois que Dieu seul est à craindre pour eux, lorsqu'il nuisent aux peuples.
CXLIX - Un roi dévot est un fléeau pour un royaume.
CL - L'égide de la religion est, pour la tyrannie, un faible rempart contre le désespoir des peuples. - Un despote est un insensé qui se nuit à lui-même et s'endort sur un précipice.
CLI - La religion favorise les égarements des princes en les délivrant de la crainte et des remords.
CLII - Qu'est-ce qu'un souverain éclairé ?
"Un souverain éclairé est celui qui connaît ses véritables intérêts : il saitu qu'ils sont liés à ceux de sa nation [...]"
CLIII - Passions dominantes et crimes du sacerdoce. C'est à l'aide de son prétendu Dieu et de la religion qu'il a assouvi ses passions et commis ses crimes.
CLIV - Charlatanisme des prêtres
CLV - Calamités innombrables produites par la religion, qui a souillé la morale et troublé toutes les idées justes, toutes les saines doctrines.
CLVI - Toute religion est intolérante et destructive, par conséquent, de la bienfaisance.
CLVII - Abus d'une religion de l'État
CLVIII - La religion lâche la bride à la férocité du peuple en la légitimant, et autorise le crime en enseignant qu'il peut être nécessaire aux desseins de Dieu.
CLIX - Réfutation de cet argument que les maux attribués à la religion ne sont que les tristes effets des passions des hommes
CLX - Toute morale est incompatible avec les opinions religieuses.
CLXI - La morale de l'Évangile est impraticable.
CLXII - Une société de saints serait impossible.
CLXIII - La nature humaine n'est pas dépravée ; et une morale qui la contredit n'est pas faite pour l'homme.
CLXIV - De Jésus-Christ, Dieu des prêtres
"[...] La morale de ce docteur divin, que ses disciples admirent tant et pratiquent si peu, n'est suivie, dans tout un siècle, que par une demi-douzaine de saints obscurs, de fanatiques et de moines ignorés, qui seuls auront la gloire de briller dans la cour céleste ; tout le reste des mortels, quoique racheté par le sang de ce Dieu, sera la proie des flammes éternelles."
CLXV - Le dogme de la rémission des péchés a été inventé dans l'intérêt des prêtres.
CLXVI - La crainte de Dieu est impuissante contre les passions
CLXVII - L'invention de l'enfer est trop absurde pour empêcher le mal.
CLXVIII - Absurdité de la morale et des vertus religieuses établies uniquement dans l'intérêt des prêtres
CLXIX - À quoi se réduit la charité chrétiennen, telle que l'enseignent et la pratiquent les théologiens ?
CLXX - La confession, mine d'or pour les prêtres, a détruit les vrais principes de la morale.
CLXXI - La supposition de l'existence d'un Dieu n'est pas nécessaire à la morale.
CLXXII - La religion et sa morale surnaturelle sont funestes aux peuples et opposées à la nature de l'homme.
CLXXIII - Combien l'association de la religion et de la politique est funeste et aux peuples et aux rois.
CLXXIV - Les cultes sont onéreux et ruineux pour la plupart des nations.
CLXXV - La religion paralyse la morale.
CLXXVI - Funestes conséquences de la dévotion
"De l'aveu même des plus ardents défenseurs de la religion et de son utilité, rien de plus rare que les conversions sincères ; à quoi l'on pourrait ajouter : rien de plus infructueux pour la société. Les hommes ne se dégoûtent du monde que lorsque le monde est dégoûté d'eux ; une femme ne se donne à Dieu que lorsque le monde ne veut plus d'elle. Sa vanité trouve, dans la dévotion, un rôle qui l'occupe et la dédommage de la ruine de ses charmes. Des pratiques minutieuses lui font passer le temps ; les cabales, les intrigues, les déclamations, la médisance, le zèle, lui fournissent les moyens de s'illustrer et de se faire considérer dans le parti dévot. [...]"
CLXXVII - La supposition d'une autre vie n'est ni consolante pour l'homme, ni nécessaire à la morale.
CLXXVIII - Un athée a plus de motifs de bien faire, plus de conscience qu'un dévot.
CLXXIX - Un roi athée serait bien préférable à un roi très religieux et très méchant comme on en voit tant.
CLXXX - La morale acquise par la philosophie suffit à la vertu.
CLXXXI - Les opinions influent rarement sur la conduite.
CLXXXII - La raison conduit l'homme à l'irréligion et à l'athéisme, parce que la religion est absurde et que le Dieu des prêtres est un être malin et farouche.
CLXXXIII - La crainte seule fait les théistes et les dévots.
CLXXXIV - Peut-on, ou doit-on aimer ou ne pas aimer Dieu ?
"Les docteurs chrétiens ont fait leur Dieu si peu digne d'amour, que plusieurs d'entre eux ont cru devoir dispenser de l'aimer : blasphème qui fait frémir d'autres docteurs moins sincères. [...]"
CLXXXV - Les idées diverses et contradictoires qui existent partout sur Dieu et la religion prouvent que Dieu et la religions ne sont que des chimères de l'imagination.
CLXXXVI - L'existence d'un Dieu, base de toute religion n'a point encore été démontrée.
CLXXXVII - Les prêtres agissent par intérêt plutôt que les incrédules.
CLXXXVIII - L'orgueil, la présomption et la corruption de cœur se trouvent chez les prêtres plutôt que chez les athées et les incrédules.
CLXXXIX - Les préjugés n'ont qu'un temps ; et nulle puissance n'est durable, si elle ne se fonde sur la vérité, la raison et l'équité.
CXC - Combien les ministres des dieux auraient de pouvoir et de considération, s'ils devenaient les apôtres de la raison et les défenseurs de la liberté ?
"Les ministres des dieux, en faisant une guerre sanglante à la raison humaine qu'ils devraient développer, agissent évidemment contre leurs propres intérêts. [...]"
CXCI - Quelle heureuse et grande révolution s'opérerait dans l'univers, si la philosophie était substituée à la religion !
CXCII - Les rétractations d'un incrédule au moement de la mort ne prouvent rien contre l'incrédulité.
"[...] Quand le corps est dérangé, la faculté de raisonner se dérange communément avec lui. [...] "De quoi vous étonnez-vous ? lui dit Cléomènes. Je ne suis plus ce que j'étais ; et, n'étant plus le même, je ne puis plus penser de la même manière""
CXCIII - Il n'est pas vrai que l'athéisme rompe tous les liens de la société.
CXCIV - Réfutation de cette opinion, sans cesse répétée, que la religion est nécessaire pour le peuple
CXCV - Tout système raisonné n'est pas fait pour la multitude.
[article très daté : "Le peuple ne lit guère et raisonne encore moins" mais qui parvient néanmoins jusqu'à] "Les personnes sensées et paisibles s'éclairent , les lumières se répandent peu à peu et parviennent à la longue à frapper les yeux du peuple même."
CXCVI - Futilité et danger de la théologie - Sages conseils aux princes
CXCVII - Funestes effets de la religion sur le peuple et sur les princes
CXCVIII - Suite
CXCIX - L'histoire nous apprend que toutes les religions furent établies, à l'aide de l'ignorance des nations, par des hommes qui se dirent effrontément les envoyés de la divinité.
CC - Toutes les religions anciennes et modernes, se sont mutuellement emprunté leurs abstraites rêveries et leurs ridicules pratiques.
CCI - La théologie a toujours détourné la philosophie de sa véritable route.
CCII - La théologie n'explique ni n'éclaircit rien dans le monde, ni dans la nature.
CCIII - Combien la théologie a entravé la morale de l'esprit humain, et retardé les proggrès des lumières, de la raison et de la vérité.
CCIV - Suite
CCV - On ne saurait trop répéter et prouver combien la religion est extravagante et funeste.
CCVI - La religion est la boîte de Pandore, et cette boîte fatale est ouverte.
"La religion n'a fait, en tout temps, que remplir l'esprit de l'homme de ténêtres, et le retenir dans l'ignorance de ses vrais rapports, de ses vrais devoirs, de ses intérêts véritables. Ce n'est qu'en écartant ses nuages et ses fantômes que nous découvrirons les sources du vrai, de la raison, de la morale, et les motifs réels qui doivent nous porter à la vertu. Cette religion nous donne le change, et sur les causes de nos maux, et sur les remèdes naturels que nous pourrions y appliquer ; loin de les guérir, elle ne peut que les aggraver, les multiplier et les rendre plus durables. Disons donc avec un célèbres moderne (milord Bolingbroke, dans ses Œuvres posthumes) : la théologie est la boîte de Pandore ; et, "s'il est impossible de la refermer, il est au moins utile d'avertir que cette boîte si fatale est ouverte.""
Dans l'édition que j'ai pu consulter le texte lui-même et qui fait 300 pages est suivi d'un autre d'environ 70 pages intitulé "Extrait du testament de J. Meslier par Voltaire ou Sentiments du curé d'Étrépigny et de But adressés à ses paroissiens".
Mais je n'aurai pas le temps ne serait-ce que de le parcourir avant de restituer l'ouvrage.
La préface recense quelques lettres de Voltaire à l'Alembert au sujet du texte de Jean Meslier. Voltaire y note qu' "il est écrit avec une simplicité grossière, qui, par malheur, ressemble à la candeur". Or c'est précisément cette simplicité qui fait que trois siècles plus tard il n'a pas perdu sa force ni ses capacités de persuasion, quand le texte abrégé, sorte de "digest" déiste, que ce dernier en a fait me semble de prime abord d'une lecture ardue pour quelqu'un de 2012 et qui aurait peu connu ou sous la forme d'un enfant le siècle précédent. La candeur n'est pas sans charme même pour les plus élevés des sujets.
Réponse de d'Alembert à Voltaire qui dans une lettre de juillet 1762 lui écrivait au sujet de cette œuvre "Que vous êtes tièdes à Paris !"
"Vous nous reprochez de la tiédeur ; mais je crois vous l'avoir déjà dit, la crainte des fagots est très rafraîchissante." (plus loin : "et nous serions traités de fous par ceux-là même que nous aurions convertis" ; et de Voltaire "Il est vrai que c'est écrit du style d'un cheval de carrosse ; mais qu'il rue bien à propos !")
"Cet empire c'est le monde, le monarque c'est Dieu" (Apologue)
Les commentaires récents