"Simon Weber", de Jean Mattern (ed. Sabine Wespieser)
Je venais de passer quelques jours dans les bras d'un roman policier délectable, avec intrigues multiples imbriquées, voilà que ce petit livre de quelqu'un avec lequel je me sens nombres d'affinités (1) et qui m'attendait patiemment depuis plusieurs mois, prise que j'avais été par la sélection du prix Biblioblog, puis des lectures dues à mon travail à la librairie (2), sans crainte du rude contraste s'est imposé à moi.
J'avais un peu peur que la force du livre d'action n'écrase ce roman qui est de l'ordre du récit intime, tranquille, discret. D'une belle qualité d'écriture (3), grande finesse de sentiments, personnages avec une réelle ampleur, comme s'ils étaient vivants.
Et d'ailleurs à tel point, que j'avais l'impression d'être au café au début d'une soirée entre amis. On ne se serait pas vus depuis longtemps, ils sont de passage à Paris, me racontent les péripéties de leur dernière année durant laquelle la maladie a durement frappé. Et puis justement voilà que celui qui a été malade, semblait aller mieux, mais qu'en sait-on en fait, dit qu'il ne se sent pas très bien, se lève, prend congé, son père ne veut pas le laisser seul, les deux autres s'éclipsent aussi. C'est ce que j'ai ressenti.
Et je me retrouve seule, inquiète en plus du sort du principal ami. La soirée me semblait-il ne faisait que commencer.
Pour un peu j'aurais pleuré.
Rarement un livre m'a renvoyée si violemment à ma solitude.
Ce défaut il faut le souligner est à la hauteur de ses grandes qualités : s'il n'était pas à si réussi et juste, on ne se sentirait pas à ce point en la compagnie et donc pas si désemparé(e) quand tombe la dernière page.
Et puis "Une femme fuyant l'annonce"de David Grossman, lu l'an passé lui a fait une concurrence déloyale : dans la même atmosphère si particulière du même pays, il nous accompagnait pendant plusieurs semaines (4).
J'ai bien compris que de la même façon que pour le touchant "Du train où vont les choses à la fin d'un long hiver" de Francis Dannemark, il s'agissait pour "Simon Weber" d'une œuvre courte qu'il était hors de question de diluer, que sa cohérence et sa force même venaient de sa brièveté. Il n'empêche que pour le lecteur, surtout s'il s'agit d'une lectrice esseulée, la brièveté est brutale.
Je crois qu'en l'absence des hommes, je compte un peu trop sur les personnages de fiction. Eux aussi hélas ont leurs obligations.
"Simon Weber" est donc un excellent livre mais à accueillir plutôt au réveil, le matin, ou à la pause du midi, avant d'être repris(e) par nos contraintes concrètes qu'il permettra d'accomplir avec un tendre élan.
(1) Ne serait-ce que parce qu'il est l'éditeur de Jon Kalman Stefansson, un de mes plus beaux chocs littéraires de ces dernières années
(2) dont le troublant "Shibumi", certes admirable, mais qui me laisse un sentiment de malaise sur bien des points.
(3) Pour avoir lus d'autres titres du même auteur, j'étais presque certaine de pouvoir y compter
(4) À moins de mener une vie à ce point privilégiée qu'on pouvait le lire en immersion, un week-end entier ou lors de vacances sans le quitter.
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