(billet non relu)
Il est des livres qui ne jouent pas dans la cour des grands, discrets, racontant une histoire tout simplement, et si possible peu mouvementée, qu'on est heureux d'avoir lus et dont on se souvient longtemps.
"L'Estivant" de Kazimierz Ortos (1) est de ceux-là. Non que l'histoire soit passionnante, il s'agit d'un vieux monsieur qui retrouve dans ses affaires deux lettres d'une amoureuse de jeunesse et se soucie, quoi qu'un peu tard, de ce qu'elle a pu devenir, non que les personnages soient particulièrement attachants, seul le narrateur est nuancé, les autres il ne fait semble-t-il que les croiser, mais cette affaire fonctionne, correctement écrite, bien menée.
Cette absence d'empathie est sans doute ce qui fait son charme : à l'ordinaire tout roman écrit en "je" tend à pousser le lecteur à éprouver un lien affectif et fictif avec le narrateur. Or ce narrateur-là, assez peu fier de lui, et effectivement il n'y a pas de quoi, assume parfaitement d'être un type "comme tout le monde" qui a mené sa vie en évitant simplement d'avoir trop d'ennuis, quitte à en créer aux autres. Cette absence de complaisance ne manque pas d'exercer une certaine fascination. Les notations psychologiques, quasiment dépourvues d'affect semblent d'une justesse surprenante, en particulier lorsqu'il exprime avoir agi d'une façon que lui-même ne s'explique pas. Il trouve pesante la femme qui persiste malgré tout à l'aimer. Il se montre lâche et vélléitaire. Le sait. Le dit.
Je ne m'étais pas méfiée, mais depuis que je l'ai refermé je repense souvent à ce livre, preuve de sa qualité et qu'il pose ou témoigne de questions qu'on peut se poser.
Par ici un extrait
(1) traduit du polonais par Erik Veaux, éditions Noir sur Blanc
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