"L'obligation du sentiment" de Philippe Honoré (éditions Arléa)
Au départ j'ai choisi ce livre par curiosité homonymique. Je connais en effet un Philippe Honoré. Mais il fait des dessins. Des rébus. En terme de roman, que je sache, rien.
Mais je rêve de me gourer car je sais qu'il écrit fort bien, alors j'ai pris celui-là avec le plaisir particulier d'imaginer qu'à peu de choses près, il pourrait être de l'Honoré connu.
Très vite j'ai oublié tout ça. Et c'était fort bon signe : ça y était, le livre m'avait embarquée.
Embarquée vers des contrées de chaos familiaux mais néanmoins embarquée. Il y a pourtant fort peu de suspens ; l'auteur nous dévoile à l'avance ce à quoi on doit s'attendre.
Un vieux couple, un dîner dans un restaurant où ils sont semble-t-il fort bien considérés. Mais une nouvelle les a assommés. Ils accusent le coup. On sent qu'ils sont l'un à l'autre très fort attachés. On pressent l'existence d'un très polluant secret qu'il partage. Très vite il est confirmé. Très vite on sait qu'ils ont un fils et qu'il est concerné.
Le reste est vite décelable. Philippe Honoré ne tente pas de nous faire le coup de "je lis pour savoir plus vite". Il se contente de compter sur son style, très maîtrisé et d'un art de la narration tout à fait au point pour nous donner envie d'avancer malgré qu'on en sache toujours un peu plus de les personnages qu'un engrenage fatal est en train de broyer.
Les différentes parties correspondent à chaque fois à une écriture du point de vue de l'un, de l'autre ou des deux. Et il est passionnant de voir la même tragédie familiale sous les angles si différents des protagonistes.
Le personnage aussi complexe qu'un humain vrai, de Jeanne, est sidérant de justesse. Il pourrait même mettre mal-à-l'aise. Louis est poignant.
Martin manque un peu, on l'observe tout jeune et très malheureux, presque détruit, on le retrouve par après. Comment entre les deux a-t-il fait (pour s'en tirer) ?
Sans éprouver d'empathie pour aucun des trois, leur destin est si terriblement singulier, on peut lire le livre d'un trait, rêver que Patrice Chéreau en fasse un film, être tenté malgré son dur sujet, de le conseiller à quelques bons lecteurs que la vie n'effraie pas.
Bref, un excellent huis clos familial, toxique comme certains arbres le sont qui ont la généalogie comme poison.
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