"Paris-Brest" de Tanguy Viel (les éditions de minuit)
Rien à dire, ce livre est parfait. Un style fluide à souhait avec les phrases et les mots choisis qui sans payer de mine, l'air de rien nous restent encore longtemps après. Pour moi qu'amuse parfois la luxuriance des grandes virtuosités mais qu'elle lasse assez vite, ce sont les caractéristiques de l'écriture rêvée, le passant ne remarque rien mais ensuite se souvient.
Une narration équilibrée au millimètre, léger suspens pour ceux qui aiment et qui permet que l'ouvrage ne soit pas que de contemplation, que la ville soit un cadre et non un but. Et puis ces sortes de rebondissements légers, on croit avoir tout saisi mais il reste encore à percer quelques secrets.
La mise en abyme, exercice périlleux s'il en est, le livre dans le livre et celui qui l'écrit qui n'est pas vraiment celui qui l'écrit, ici réussie. On en croirait presque qu'écrire est naturel, tant il paraît logique que Louis, le narrateur, y pense.
Jusqu'à ces détails qui font pour moi la différence entre un livre magique et celui qui ne l'est pas :
- J'en aime la fin, juste, si juste, sobre, la dernière phrase est de toute évidence celle dont on sentait qu'elle devait exister et figurer là et nulle autre part ;
- J'ai eu droit à mon effet Zahir, signe indéniable qu'avec un livre j'ai de l'intimité. C'était dans un message personnel et privé, je ne peux donc en dévoiler le détail, mais quelques jours plus tôt je venais de parler à un ami d'un Cap Horn à franchir, et l'ai retrouvé page 183 ;
- Et jusqu'au "mot que je ne connais pas" : un livre ne me comble totalement de plaisir que s'il me permet d'apprendre au moins un mot nouveau. Avec l'âge cette caractéristique se fait rare. Il est arrivé presque à la fin (page 182) alors que je n'espérais plus :
aber : vallée de fleuve envahie par la mer (plus de précisions sur l'article wikipédia où j'ai trouvé sa définition).
Reste qu'affectivement quelque chose m'a empêchée de totalement me sentir impliquée, la part cérébrale de la lectrice que je suis s'est trouvée régalée, ravie, admirative, la part émotive est restée un brin de côté, même si dans cette famille aux péripéties originales mais aux relations inter-personnelles hélas assez répandues, le narrateur emportait ma sympathie. Or je venais d'être embarquée comme jamais par les personnages de "L'attente du soir" de Tatiana Arfel, mes frères, mes cousins, mes âmes frères ou soeurs, effrayée pour le sort de mon cher Philippe Voltaire en dévorant plus vite que flammes sa "Plage de Manaccora 16h30" (1) , d'avoir souffert de l'absence d'un être aimé comme le père "Des vents contraires" d'Olivier Adam. Alors du fait de ces proximités, la lectrice primitive que je suis aussi est peut-être un peu restée à Paris. Le travail aurait-il été trop parfait, qui comme le son si pur de certains enregistrements numériques ôte un peu de l'émotion des disques imparfaits d'antan qui crachouillaient ? Ou est-ce moi qui saturée de sentiments induits suis par précaution au jour de ma lecture restée en retrait ?
N'en reste pas moins un livre qui se lit d'un trait, une ville de Brest qu'ensuite on connaît sans (forcément) y être allée, un humour affleuré d'une belle subtilité, et un bonheur de lecture qu'il ne faut pas bouder. Quant au Languedoc-Roussilon, on s'abstiendra d'en parler ...
(1) lien vers un bel article de Sabine Audrerie (La Croix)
source du support : achat par mes propres deniers
origine du choix de ce livre là : J'avais lu et aimé "L'absolue perfection du crime" du même auteur il y a quelques années. Aucune recommandation, ni lecture d'aucun article avant d'acheter celui-là, simplement la curiosité de suivre un auteur prometteur.
Bon, tu confirmes l'impression d'une de mes libraires, fan absolue de Viel qui m'a dit que ce n'était pas son meilleur... J'attends de le lire, je suis deuxième sur la liste d'attente en bibliothèque, pour me faire une opinion.
Rédigé par : Pascale | 22 février 2009 à 18:25
En fait j'espérais ne pas donner cette impression, le livre est vraiment très bien et la question que je me posais n'est pas rhétorique : je me demande vraiment si cette lecture n'a pas souffert de mon empathie avec les personnages de celles qui l'avaient de peu précédée. Ce n'est pas le travail de l'auteur qui est en cause, mais ma capacité de lectrice à "entrer" affectivement dans celui-ci.
Surtout ne renonce pas à le lire dés que tu pourras.
Rédigé par : gilda | 22 février 2009 à 21:15
mince on l'a manqué, il était à "pensées classées" vendredi dernier, je crois, non ?
Rédigé par : PdB | 22 février 2009 à 21:37
1/ en fait non
2/ oui
Rédigé par : gilda | 23 février 2009 à 01:08
T'inquiète, je ne renonce pas, je le lirai par curiosité et te dirai; j'avais aimé ses précédents.
Rédigé par : Pascale | 23 février 2009 à 21:23
Sans hésitation : j'ai envie (très) de le lire ! Merci.
Rédigé par : Fauvette | 24 février 2009 à 13:34
"L'absolue perfection du crime" m'avait paru d'honnête facture mais j'avais senti Tanguy Viel dans l'exercice de style, dans la distance de celui qui se regarde écrire sous l'oeil de ses maîtres.
Du coup, en lisant ce billet dans lequel tu insistes sur la qualité de son écriture tout en reconnaissant que "(t)a part émotive est restée un brin de côté" je ne me sens pas très "appelée" par ce "Paris-Brest" (pourtant c'est l'heure du goûter !)
Rédigé par : samantdi | 24 février 2009 à 18:08
J'aimerais vraiment que ce que j'ai écrit ne soit pas dissuasif (merci Pascale, merci Fauvette), parce que ce livre mérite le détour.
Et comme je le disais, pour moi il a souffert des lectures qui le précédaient de peu, et qu'il serait bon d'ailleurs que je chronique aussi. Mais ce n'est pas nécessairement un défaut du livre lui-même et d'ailleurs sans doute pas un défaut tout court, c'est mon côté lectrice-affective qui parlait pour apporter ce léger bémol.
Rédigé par : gilda | 24 février 2009 à 18:19
Ne t'inquiète pas Gilda, je trouve que ton billet n'est pas dissuasif du tout il correspond bien à ce que je pensais déjà de Tanguy Viel.
Il est possible que tes lectures précédentes aient eu une influence sur ta perception du roman mais elle correspond à une réalité de cet auteur, qui peut faire partie de son charme.
Rédigé par : samantdi | 26 février 2009 à 20:52
J'ai enfin ce livre, je l'ai commencé!
Fini, je te livrerai mes impressions Gilda et on comparera ;-)
Rédigé par : Pascale | 01 avril 2009 à 23:18