OLIVIER ADAM - "A l'abri de rien"
(éditions de l'Olivier)
Il aime sa femme mais la vie pèse et les rend l'un à l'autre distants comme ceux que les contraintes et l'absence ou l'excès de travail et d'argent finit par rendre indifférents à leur quotidien qu'ils n'habitent plus qu'en robots tristes.
L'enchaînement des circonstances met alors Marie, le "je" du récit et dont on sent qu'il a habité longtemps (1) celui qui l'a finalement écrit, en présence de plus malheureux qu'elle, des réfugiés de pays sans paix et qui tentent de passer d'en France vers l'Angleterre, cette étrange terre promise des clandestins désespérés. Elle (re)trouve une raison de vivre dans le secours à leur porter.
Seulement l'existence n'épargne pas ceux d'en bas qui veulent aider. Surtout si l'on est femme et mère, la société nous souhaite au creux de nos quotidiens mornes toute consacrée aux soins domestiques et consommant sagement sans rien partager.
Mes mots sont lourds (j'ai peu dormi, je n'arrivais pas à abandonner Marie, Lucas et Lise et ceux qu'ils protégeaient), les siens sont bien, au point que non seulement ils sont justes mais que je n'en ai repéré qu'un seul qui ne soit pas indispensable (2) et une unique proposition optionnelle (3).
C'est la vie, c'est nos vies, c'est ça. Il nous offre à comprendre où ça coince, et qu'on devrait bouger, se bouger, c'est subversif et sain. Et après, on se sent moins seul(e)s, moins menacé(e)s par la folie, moins démuni(e)s aussi et au moins un peu compris(e)s.
"A l'abri de rien" d'Olivier Adam (éditions de l'Olivier)
(1) il me semble qu'elle rôdait déjà dans "Douanes" une nouvelle du recueil "Lille 2004" et qui voisinait sans déparer "Les Arpenteurs" de Marie Desplechin ; Jallal y était déjà, mais il manquait d'ailes L. J'ai le souvenir d'un autre texte aussi où jouait un rôle le chantier du tunnel sous la Manche mais je ne suis pas parvenue à remettre la main dessus ou à retrouver dans quel livre il était. A moins qu'il ne s'agisse d'une nouvelle éditée dans un magazine (mais lequel et quand ?) Je suis persuadée que les personnages longtemps portés sont de meilleure qualité. Ils ont la profondeur, la subtilité, l'humanité et les failles d'une longue fréquentation.
(2) un "comme" page 24
(3) "jusqu'à nous engloutir" page 37. Or mon long chemin de traverse vers l'écriture je l'ai commencé en tant que dégraisseuse, et si je ne sais toujours pas l'appliquer à mon propre travail, j'ai conservé de cette époque une sorte de déformation professionnelle de voir presque imprimé d'une autre couleur tout ce dont on pourrait se passer. Si ce livre était du chocolat noir, il serait à 99 %. C'est extraordinaire. (attention, je ne dis pas qu'à certains types de sujets et de traitements, une comédie par exemple, une relative luxuriance dans le style n'est pas la bienvenue, mais ici on s'approche d'une sorte de perfection sans frime ni sécheresse).
[photo : supermarché par temps de pluie, La Haye du Puits, août 2007, par association d'idées]
Le titre du billet vient droit d'un dialogue entre les personnages Stéphane et Marie, c'est page 20 et tout y est si juste. J'ai hésité avec "- T'as pensé à mes chemises ?" mais que j'ai trouvé trop réducteur par rapport à l'ensemble du livre et moins résistant à l'isolement.
Le lien "A l'abri de rien" va vers une critique sensible de Michel Abescat dans Télérama. (sur le site des éditions de l'Olivier je ne suis pas parvenue à isoler le lien vers un livre en particulier).
Billet partagé avec Traces et trajets
complément au 25/08/07 : un bel article avec même une photo de cow-boy
sur Rue89 par Arnaud Liévin (l'article, la photo je n'en sais rien)
"A l'abri de rien" : Olivier Adam parmi les ombres de Sangatte
PS : la photo de cow-boy est un concept qu'il convient peut-être d'expliquer. Vous prenez un être humain normal, vous l'éclairez comme il convient et le photographiez à un moment où il a l'air sauvage (voire ténébreux) et pensif mais déterminé (si c'est un professionnel communiquant vous pouvez lui demandez de prendre cet air-là). Résultat, et surtout s'il s'agit d'un homme, vous l'avez "en cow-boy". Avantage : irrésistible pour le fan-club ; inconvénient : peut assez peu ressembler à ce qu'est la personne réellement, en particulier si c'est quelqu'un d'un naturel souriant.
autre concept qui mériterait qu'on s'y attarde un peu : le portrait Studios Harcourt (z'yva hé, quand je serai grande, j'en veux une histoire d'avoir l'air d'une Gilda une fois pour voir dans ma vie ; j'imagine que ça coûte une fortune).
Cela dit, pour ceux et celles qui aimeraient rencontrer Olivier Adam et l'écouter parler de l'écriture en général et de ses livres en particulier, ce qu'il fait d'une façon passionnante, il est annoncé le mardi 25 septembre à la librairie Le Comptoir des mots à Paris, 239 Rue Des Pyrénées 75020 Paris, téléphone : 01 47 97 65 40.
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