"Parfois en me promenant avec une amie, j'oublie le monde" Grace Paley
KMS a bien raison et surtout sa grand-mère, les mois d'août sont meurtriers. Cette année deux cinéastes essentiels (au moins), un batteur extraordinaire (1), et quelques autres que j'avais eu le privilège, étant née au même siècle qu'eux de pouvoir apprécier, ont lâché la planète. Tous étaient âgés, et l'on peut pour s'en consoler (comme on peut) considérer que leurs vies étaient complètes. Malgré cet effort et que j'ai beau n'avoir connu aucun d'eux personnellement, j'en conçois à chaque fois une tristesse diffuse, le sentiment que sans eux le monde déjà mal parti ira encore moins bien, qu'à chaque fois c'est un peu de l'intelligence collective de l'humanité qui disparaît quand la violence et la bêtise se portent toujours si bien.
Mais pour Grace Paley, dont le décès a fait si peu de bruit que je n'en ai eu vent qu'à retardement via un article sur le site de Libération, "Grace Paley plus de nouvelles" par Mathieu Lindon , mon chagrin est d'une tout autre solidité. Je la lisais avec passion. Son côté militant et minimaliste (les termes sont de Mathieu Lindon mais lui vont si bien qu'ils me seraient sans doute venus spontanément aussi) me convenait convient comme un gant. Elle avait peu écrit, comme une femme qui doit avant tout mener sa vie et aura sans doute à sa famille offert la priorité. Je n'aurai jamais la chance de la rencontrer, il est trop tard désormais, mais moi qui en ai été fort peu pourvue par la vie (2), je la considérai comme une grand-mère que j'aurais adoptée (sauvagement, sans lui demander son avis).
Et sa famille de personnage était aussi un peu la mienne : certains une fois croisés, restent comme nos cousins. Je n'ai jamais, moi non plus, oublié un petit Samuel, au tragique destin (3). Et tant d'autres, et d'autres encore que je ne connais pas car je n'ai découvert son travail qu'il y a 5 ans (je crois), grâce à Marie Desplechin (ça, c'est certain), et j'avais eu du mal à ce moment-là à me procurer que ce soit en américain ou traduits l'ensemble de ses bouquins (4).
Grace Paley sera donc morte comme elle aura vécu, formidable, essentielle à ceux qui l'auront, ou son travail, connue, mais discrète et dans sa cuisine (dit avec admiration).
J'ose espérer qu'un éditeur aura la bonne idée et la possibilité de regrouper / republier ses oeuvres.
L'espoir qu'il y en ait de nouvelles me manque déjà.
PS : Une phrase, celle en exergue de ce billet, m'est revenue aussitôt, tant elle me convenait. Mais je ne parvenait pas à la tracer. Dans lequel de ses livres, et en français, avais-je bien pu la lire ? Et puis ça m'est revenu : il s'agissait en fait d'une citation reprise dans un article au printemps dernier :
"Ma semaine sainte" par Geneviève Brisac avril 2007 pour Libération
(1) article chez Zvezdoliki
(2) l'une est morte des suites du débarquement en Normandie, l'autre habitait dans un autre pays et ne m'aura pas croisée calendairement plus de 5 ou 6 ans
(3) dans "Enormous changes at the last minute" (1974)
(4) merci à mon ami Paul, s'il passe par là et qui m'avait bien aidée dans cette quête.
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