Je sais qu'elle n'aime pas bien qu'on le dise mais qu'elle le veuille ou non Kozlika est une fée, au moins une fée des blogs. Parce que bon, quand elle a lancé son idée d'un petit bonheur par jour, au vu de la période, à la fois sur le plan collectif, avec la guerre qui gagne à grands pas ou au moins le populisme et les extrêmismes pseudo-religieux, et personnel (les ennuis de boulot et d'argent familiaux), je me disais C'est pas gagné. Trouver ne serait-ce qu'un petit rayon de soleil pour chaque sombre journée, non, vraiment, en ce moment, pas gagné.
Et voilà qu'à ma plus grande surprise, depuis un paquet de jours, j'ai au contraire un mal fou à en isoler un. D'ailleurs, je n'y parviens pas ; en plus que je trouve trop cruel les rejets de petits bonheurs fort méritants ; donc j'en écris plusieurs, forcément.
Pour ce lundi le bonheur qui tient la corde, parce qu'il possède cette étincelle d'inattendu qui le met en avant s'appellera Soutine.
Mais il y aura eu, un rendez-vous bancaire cordial et efficace - le bonheur d'avoir affaire à quelqu'un de professionnel et de compétent -, un déjeuner amical qui en plus d'être délicieux et presque impromptu m'a fait un bien fou - la mort de David Bowie ne me, ne nous, laisse pas indifférente -, un début de reprise de courage de la part de l'homme de la maison - et ça n'est pas rien, mon tempérament fonceur n'étant pas de bon conseil pour lui -, la chaleureuse découverte qu'avec une autre amie nous aurions pu le 9 juin 1983 nous croiser au concert de David Bowie - la rencontre aura finalement lieu en juin 2005 par blogs interposés -, les retrouvailles consécutives avec mon carnet de bord de 1983 - et les éclats de rires assortis (je le soupçonne d'avoir écrit dans ce but : faire rire la moi-même de longtemps plus tard), ce dialogue avec Le Fiston :
(intérieur jour, cuisine) La mère pianote sur son ordi, Le Fiston entre pour se servir de l'eau fraîche dans le réfrigérateur.
Le Fiston : - Maman, il y a David Bowie qui est mort.
La mère (bibi) (interloquée, car elle savait Sa Fille très au courant en musique extra-générationnelle, mais Le Fiston, moins) : - Je sais. Mais ... tu connaissais ?
Le Fiston : - Non, pas plus que ça. Mais vu comme tout le monde en parle je me disais que toi tu connaissais.
Donc bref, malgré un jour assombri comme peut l'être une journée par un deuil collectif, mais (dans mon cas) relativement lointain, des petits bonheurs, il y en eut.
Et le plus surprenant, donc : Soutine
Métro, ligne 9, début d'après-midi. Trois personnes discutent paisiblement elles sortent probablement d'une expo. Une des dames dit :
- Quand même Picasso, quel roublard ! Quand ils étaient jeunes et qu'ils avaient volé [là j'avoue j'ai oublié de quoi il s'agissait, mais la dame l'a dit clairement] au Louvre avec Apollinaire et que quand ils ont été pris, il a fait je le connais pas !
L'autre répond en évoquant un troisième larron. La première femme complète en commençant :
- C'est sûr c'est pas comme avec leur ami, leur ami ... Oh zut, je ne sais plus, leur ami ...
C'est alors qu'une femme dont le siège tournait le dos au strapontin qu'occupait l'une des trois personnes, s'est retourné, a souri et a suggéré :
- Soutine.
Et celle qui parlait s'est alors écriée, avec la joie de qui vient d'être extirpée d'un trou de mémoire, :
- Mais oui ! Soutine c'est ça ! Vous avez vu l'expo ?
Et les voilà parties pour quelques stations qu'elles avaient en commun à causer expo, peinture, et toutes sortes de belles choses. Puis prendre congé en se saluant avec allégresse.
Les esprits belliqueux, haineux et obscurantistes, ou l'épuisement de la planète pourront accélérer notre extinction, il faudra quand même nous reconnaître le mérite à un moment donné d'avoir atteint quelque chose de proche du raffinement. Les personnes de la conversation n'avaient rien dans leurs mises ou leurs manières qui trahissaient une appartenance aux classes dominantes ou à un milieu artistique, c'étaient des Européens d'âge et de moyens moyens et qui appréciaient l'art.
En les quittant à mon tour, j'étais émue aux bord des larmes, quelque chose me disait Tout n'est pas perdu.
Sans compter que c'était bon de voir des personnes à nouveau capables de se parler entre inconnus et rire dans le métro. Depuis le 13 novembre c'est je crois la première fois que j'ai la chance de le constater.
billet publié dans le cadre des Bonheurs du Jour.
C'est l'amie Kozlika qui a lancé le mouvement et le lien vers tous les bonheurs (pour s'inscrire c'est par ici- grand merci à Tomek qui s'est chargé du boulot -)
billet également publié sur Traces et trajets
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