Iwak #7 – Passeport


    Je ne sais plus en quelle année, probablement entre 2005 et 2010, alors que mes vacances consistaient essentiellement en le festival de cinéma de La Rochelle, je m'y suis fait dérober mon portefeuille. J'ai le souvenir d'avoir eu l'attention captée par une amie qui menait un entretien documentaire, mon sac à l'épaule, et peu après en voulant payer quelque chose, dans mon sac le portefeuille manquait.

Il contenait entre autre ma carte d'identité. 
À l'époque je disposais aussi d'un passeport. 
Lequel n'était pas dans le sac, mais chez moi : je n'avais pas prévu de quitter l'Europe de si tôt (1).

Alors pendant des années, par manque de temps et d'énergie administrative pour faire refaire ma carte d'identité, je me suis contentée de celui-ci. Après tout, il lui était d'utilité supérieure puisqu'autorisant de sortir du pays et des pays limitrophes.
Puis un jour, il fut périmé ; ou alors il était dans le sac à dos que l'on m'avait volé.

Alors j'ai pris mon courage à deux mains et suis allée le faire refaire. J'ai attendu longtemps : avec ma poisse habituelle, il s'est trouvé que la personne qui travaillait à recevoir les personnes pour les démarches d'état civil à la mairie et au cubicule de laquelle mon numéro d'attente était assigné avait fait un malaise lors de l'entretien précédent. J'ai assisté, navrée pour elle, à son évacuation et il s'était ensuite passé longtemps avant qu'une collègue puisse prendre la relève. 
J'ignore si c'était comme par esprit de compensation, mais celle-ci avait pris grand soin de mon dossier, et je ne sais plus comment c'était venu, mais que la question venait d'elle et pas de moi qui n'y pensais même pas : vous renouvelez votre passeport mais votre carte d'identité est-elle à jour ? Les documents sont les mêmes, si vous voulez il vous suffit d'ajouter un timbre fiscal et vous aurez les deux. 
Je ne m'étais pas fait prier, étais partie littéralement en courant au tabac voisin acheter le petit papier requis, et revenue fissa (elle m'avait attendue, j'étais émue).

J'ai pu ainsi à nouveau disposer d'un document d'identité dans un format compact et plastifié. En plus de l'autre pour les grands voyages que je n'effectuais guère. Le passeport que j'aimais bien avait perdu sa suprématie.
Pour me faire pardonner de ne plus le prendre avec moi, je lui ai accordé rangement dans une pochette imperméable et ignifugée. On ne se méfie jamais assez (air fataliste et malicieux)


 

 

(1) J'aime voyager mais ne sais pas le faire sans raison particulière : il faut que j'aille retrouver des proches / répondre à une invitation, assister à un festival, participer à des concerts, à des événements sportifs, aider un ami à retrouver sa dulcinée ... Le seul voyage de pur agrément que nous avons effectué était notre voyage de noces.

 

Participation à Iwak ( Inktober with a keyboard ) en théorie : un article par jour d'octobre avec un thème précis. Je l'adapte à mon rythme et à ma vie. Peut-être qu'en décembre, j'y serai encore.
C'est Matoo qui m'
a donné l'impulsion de tenter de suivre.


21,0975 km + 1 semaine + 20


    Je suis quelqu'un qui dans la vie cumule souvent les petites malchances, mais m'en sors malgré tout.
Le Joueur de Pétanque est lui un chanceux : pour lui les trucs se goupillent plutôt bien, et parfois même alors qu'il a fait exactement ce qu'il fallait pour que ça foire.
Donc je pars tôt et j'arrive tout juste pour prendre le train, et lui part au dernier moment et quelque chose survient qui fait qu'il ne le manque pas.

Dans ma vie professionnelle, j'ai fini par renoncer à lutter : j'essaie de faire du mieux possible ce qui m'est confié, de faire équipe, mais j'ai renoncé depuis 2015 à toute ambition. C'est l'année où entre autre, un emploi qui se présentait à moi a littéralement été pulvérisé (le poste n'a plus eu de raison d'être, par ricochets) comme suite à un attentat. Sur le moment ce fut le cadet de mes soucis, et je me suis vite relancée sur mon premier métier, il n'empêche que par la suite, j'ai cessé d'y croire. D'ailleurs une des activités qui me convenait profondément, à savoir faire de la radio, et que j'étais parvenue, bénévolement, à accrocher avec un vrai sentiment d'être à ma place, a été réduite à néant par une pandémie mondiale, un confinement, et la nécessité de gagner ma vie m'a ensuite empêché d'y retourner.

Dans ma vie sportive, c'est une succession perpétuelle de bâtons dans les roues : rien de trop grave pour l'instant, car mes malchances sont rarement majeures (pourvu que ça dure), mais depuis un lot d'années, presque jamais je n'ai pu participer à une course dans laquelle j'avais mis une espérance de petite performance, sans qu'il n'y ait un facteur extérieur de blocage au dernier moment.
Ce qui fait de moi, assez souvent, the last of survivors, car je ne me laisse pas abattre et parviens presque toujours à limiter les dégâts, il n'empêche : 
Il y a eu le triathlon M que j'ai dû reporter par trois fois avant de pouvoir honorer l'inscription (deux reports dus au Covid et ses restrictions, un dû au refus de jours de congés demandés pour s'y rendre), il y a eu celui pour lequel j'ai participé grâce à l'amie qui m'a passé au déboté son vélo, car la patte de dérailleur du mien avait été esquintée dans le transport et s'était prise dans la roue, il y a eu celui de cette année où sous l'effet du froid de l'eau + une tendinite à une épaule qui m'empêchait de crawler, j'ai dû renoncer au bout d'un tour de lac (1), le trail de La Chouffe l'an passé couru avec des jambes presque insensibles comme suite à des piqures de probables moustiques tigres quelques jours auparavant (2), le marathon de Bruges tenté après un Covid lors de la semaine qui précédait (3), le 10 km où j'étais au bord d'établir un RP à 1h03 mais où nous restons 20 minutes bloqués à la porte du stade où était l'arrivée car dans le passage qui y menait un coureur avait fait un malaise fatal (vite oublié, le potentiel RP, en pensant à cet homme et ses proches).
J'arrête là la liste sinon j'écrirai une saga. Et qui ne serait que triste.

Je vais me contenter de citer l'exception : le miracle à mon niveau des J.O. de Paris 2024 où tout, vraiment tout (4), s'est bien goupillé : les congés, la santé, les shifts de mes deux volontariats, des places pour certaines compétitions, la météo favorable (là où j'étais), l'ambiance générale extraordinaire. Autant dire que j'ai savouré. La dernière fois que j'avais connu pareille période sans contretemps, c'était en 1998 lorsque la chorale dont je faisais partie avait participé aux concerts au Stade de France de Johnny Hallyday. Et encore, un des concerts avait été reporté pour cause d'orage violent.

Toujours est-il que puisque je n'ai toujours pas renoncé à l'idée de parvenir à courir un marathon, prévu au printemps, mon projet de courir à l'automne un semi suivi une semaine plus tard d'un 20 km pour voir comment les gambettes encaisseraient l'ensemble, n'a pas dérogé à la règle des obstacles extérieurs : 

une chute à l'entraînement, consécutive à la présence de personnes que j'avais voulu éviter (5), un rhume qui me tombe dessus le vendredi pour la course le dimanche (Les gens viennent bosser malades par conscience professionnelle mais ça n'est pas sans conséquences), et une douleur gênante au bras droit apparue sans cause évidente la veille au soir, ne m'avaient pas permis de courir le semi-marathon avec l'énergie et l'allure attendues. J'ai réussi, mais à 7 minutes du temps escompté (6).
Alors j'avais décidé pour le 20 km et comme pour une fois j'avais bénéficié de circonstances favorables (une semaine de congés non sollicitée placée judicieusement entre les deux par le responsable du service), de me donner à fond.
Las, des voisins sans respect, qui n'ont pas même mis une affichette pour avertir, un ou deux étages en dessous (difficile à évaluer tant c'était assourdissant), en avaient décidé autrement qui ont donné une fête avec musique à fond jusqu'à 02:35. J'ai donc couru avec un nombre d'heures de sommeil très réduit. Pour autant : bouclé dans les temps, gestion optimale de la pause pipi inévitable ainsi que des ravitaillements. 

FireShot Capture 006 - Garmin Connect - connect.garmin.com

Les lendemains seront difficiles, j'ai six jours à enquiller de travail salarié et c'est toujours plus dur à un retour d'absence, il n'empêche, j'ai ce soir le sentiment d'avoir enfin un tantinet vaincu l'adversité.

 

(1) Parfois renoncer c'est survivre : j'étais déjà, sans le savoir, en hypothermie et par ailleurs, tous l'ignoraient, le lac était pollué et si j'avais bouclé l'ensemble du parcours nul doute que j'eusse été saisie comme la plupart de mes camarades, d'ennuis gastriques et digestifs assez conséquents. 

(2) + une belle réaction allergique, c'était impressionnant

(3) D'où un arrêt "à la raison" au km 30 car même si mon esprit de compétition voulait boucler, mon cerveau pensant a réfléchi qu'on n'a pas de vie de rechange et que ce jour-là, forcer était risqué.

(4) À la réflexion, non, pas tout : l'employeur du Joueur de Pétanque a commencé a avoir de sérieux ennuis et son salaire n'arrivait pas, probable perte d'emploi pour raisons économiques dans les mois à venir. Mais à l'expérience, je m'étais dit :  1/ On verra plus tard ; 2/ On s'en sortira.
On est plus tard et ça risque de n'être pas simple. Mais bon, voilà.
(5) La leçon a été retenue : lors de la course aujourd'hui j'ai repoussé un cycliste et plus tard deux piétons qui avaient décidé de traverser devant mes pieds. Plutôt que de risquer à cause d'eux de chuter. Non, mais ! 
(6) Pour info pour les non-coureurs, c'est beaucoup.


Iwak #6 – Randonnée (Trek)

    

    Je n'ai pas grand chose à raconter de randonnées : les vacances de mon enfance et de ma prime jeunesse c'était : aller voir la famille. Et plus tard, on a toujours manqué de jours ou d'argent et donc le plus souvent on allait dans la maison que ma mère nous prêtait en Normandie. Alors OK on faisait de grandes balades, mais de là à les qualifier de randonnées, ça serait présomptueux.
Puis est venue la course à pied. Le triathlon. Et à l'instar de certains camarades du club, le trail.

Finalement c'est l'activité que je pratique qui s'apparente le plus à la randonnée, d'autant plus qu'à la vitesse à laquelle je cours, où ne cours pas lorsque ça monte dru ou que ça descend dangereusement, ça peut s'apparenter à de la randonnée, un peu.
Depuis un paquet d'années (2017 ? 2018 ?), nous sommes devenus des fidèles de deux rendez-vous en particulier : le Maxi-cross de Bouffémont (forêt de Montmorency, février) et le trail de La Chouffe (Ardennes belges, Houffalize, juillet). Au début on s'inscrivait sur des 15 km, à présent Bouffémont en fait 30 et parmi les nombreuses distances proposées lors du week-end de La Chouffe, nous oscillons entre 25 et 28.
Je n'aime rien tant que cavaler en forêt, être dans la nature, tenter de grimper (1), respirer de l'air et si possible ne pas entendre de bruits de moteurs ou de musique en boîte. La moi de 12 ans ne déteste pas patauger dans la boue, qui a le pouvoir d'amortir les chutes - il n'y a plus de parents pour me dire Tu vas te salir ! (2) - et j'adore courir quand il pleut, dès lors qu'il s'agit d'une pluie sage (3).
Ce sont des moments où je me sens libre et consciente et heureuse d'être en vie.

Nous n'avons pas encore testé de trails en montagne, pour les mêmes raisons que nous n'avons pas encore effectué de randonnées : les montagnes sont loin de notre région, s'y déplacer demande pour nous un budget conséquent et des jours de congés. Mais à la retraite, si jamais elle cesse de reculer à mesure que nous avançons en âge, qui sait si nous ne tenterons pas l'essai. Si la thalassémie me laisse en paix, qui fait que je respire en attitude avec essoufflement, peut-être y prendrons-nous goût.

Enfin, depuis 2021, le mot randonnée a pris pour mes amis et moi et sans doute l'ensemble d'une famille, une connotation triste : un ami, randonneur averti et dont c'était l'un des bonheurs, est mort en chutant lors de l'une d'elles. Il nous manque fortement.

 

(1) Les descentes, plus risquées, m'amusent moins.
(2) Ce que Le Joueur de Pétanque chez qui ça rigolait encore moins que chez moi, n'est pas parvenu à assimiler.
(3) Ni un orage, ni un truc diluvien.

 

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Iwak #5 – Jumelles (Binoculars)


    Tout d'abord rien ne m'est venu que de vagues souvenirs de jumelles de théâtre, qu'on finissait toujours par mettre de côté car elles donnaient trop de peine pour parvenir à scruter, pour un grossissement décevant. 
Les nôtres étaient bleues.

Puis m'est revenu le souvenir des jumelles touristiques avec socle pour que les enfants puissent se hisser à bonne hauteur et monnayeur et parents (les mien en tout cas) qui refusaient de donner pour regarder le moindre argent. D'une part il n'y avait chez nous pas de gras dans le budget (ce en quoi j'ai bien maintenu la tradition), et d'autres part ils nous expliquaient qu'il s'agissait d'attrape-nigauds, et que le temps d'ajuster l'appareil à la vue ou l'inverse, ça retombait dans le noir et qu'il fallait mettre ainsi beaucoup de pièces avant de pouvoir voir quoi que ce soit.

Un jour, adulte, j'ai testé, pour voir et effectivement, le temps de visionage était vraiment réduit.

Il n'en demeure pas moins qu'enfants, et je ne sais plus si c'était à Saint Malo avec mes cousins-cousines de France ou en Italie avec mes cousins cousines de Turin - à Superga ? -, on guettait les touristes qui abandonnaient ces appareils pour tenter vite de prendre la suite et d'entrevoir quelque chose. Sbrigati, vieni, vieni.

On avait aussi un jouet assez courant dans les différentes familles, constitué de fausses jumelles dans lesquelles on pouvait voir des diapos fixées sur un carton que l'on faisait défiler. C'était là aussi vendu dans les lieux touristiques et généralement sources de chamailles (Passe, je veux voir ! Non attends j'ai pas fini ! Non mais c'est mon tour passe-les moi !) et ensuite vite délaissé car les images étaient de piètres qualité et qu'une fois qu'on en avait fait le tour, l'intérêt s'épuisait. 

J'ai trouvé ceci qui ressemble, version plus récente du machin : Capture d’écran 2024-10-12 à 21.51.31 

Enfin j'ai l'impression qu'un générique de série des années 70 comportait toute une séquence comme vue à travers des jumelles, mais ne parviens plus à remettre la mémoire dessus. Je viens en vain d'en visionner quelques-uns. 

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Cette sorte d'illusion que mon grand-père avait croisé Rimbaud

 

    Par sérendipité du net et rebond des algos de YouTube, pour lesquels j'ai un faible (1), je suis tombée sur cette séquence de 1954 relayée par l'INA et dans laquelle monsieur Fricotot, voisin de Rimbaud dans le nord de la France est interviewé sur ce qu'il savait à son sujet.
C'est pour moi troublant car cet homme ressemble dans sa façon d'être et de parler, fort exactement à mon grand-mère maternel. Ce dernier avait dans mon souvenir moins d'embonpoint mais c'est tout. Il aurait évoqué de la même manière un voisin qu'il saluait sans réellement fréquenter. FireShot Capture 003 - Pierre Dumayet  Pierre Desgraupes et un voisin de Rimbaud - INA - www.ina.fr
Cette similitude est de toute évidence une question de générations, une façon d'être commune à ces hommes d'alors (2), il n'empêche ça reste troublant. 

Ce qui est joli c'est qu'à l'époque on disait "Il se promenait avec une voiture" pour dire une voiture à cheval, l'homme fait l'effort de préciser pour les messieurs parisiens.
Ce qui est bête c'est que ces deux cancoillots de Parigots n'ont pas eu la présence d'esprit d'interviewer la dame, qui aurait probablement eu davantage à dire. Il omettent également, du moins dans la séquence, de rebondir sur le "Aha oui" entendu, qui semble être un appel à questions au sujet de madame Rimbaud (la mère ? la sœur ?) qu'il dit avoir bien connue.

Quoi qu'il en soit, me voilà équipée de l'illusion, que je pressens persistante quoi que totalement impossible, que mon grand-mère avait croisé Rimbaud (3).

(1) Je me laisse aux jours de récup facilement porter d'un documentaire à l'autre.
Aujourd'hui le gag est qu'avant de tomber sur la chaîne de L'écrivaillon en enchaînement automatique ou quasi, j'étais pour tenter de regrouper de l'énergie en prévision des 20 km de Paris en train de regarder des vidéos relatives à la pratique de la course à pied.
(2) Même si pas exactement contemporains, puisque mon grand-père était né à Lourmais (35159) le 30/08/1895
(3) En réalité probabilité nulle, non seulement ça n'était pas du tout la même région, et que je sache Arthur Rimbaud n'a pas mis les pieds dans le Cotentin ni non plus dans la Bretagne du nord-est, mais surtout mon grand-père est né quatre ans après la mort du poète et aventurier.


Iwak #4 – Exotique (Exotic)

 

    Il m'est arrivé d'effectuer quelques incursions dans d'autres continents que la vieille Europe, et je n'y ai jamais eu le sentiment d'être dans des endroits exotiques, ou confrontée à des façons de vivre exotiques à mes yeux. C'était juste semblable par certaines façons et différents par d'autres.

En revanche j'avais douloureusement conscience, au Burkina Faso, d'être exotique aux yeux des habitants. Nous étions Le (alors jeune) Joueur de Pétanque et moi deux petits blancs et donc riches, forcément. Et pour nous qui arrivions juste juste à boucler les fins de mois (j'avais mon prêt étudiant à rembourser et lui sa solde de Volontaire du Service National en Entreprise des premiers mois qui permettait de boucler mais sans gras, et les billets d'avion pour que je puisse le rejoindre nous mettaient dans le rouge, souvent), c'était très déstabilisant. Alors bien sûr, nous mangions à notre faim, et avions un toit pour nous abriter, ce qui voulait effectivement dire "être riches". Par là-dessus, personne ne comprenait qu'en tant que riches nous ne fumions pas. Bref, le moindre pas dehors était source de malentendus. J'avais fini par me balader avec des stylos bic que je distribuais pour ne pas décevoir trop les sollicitants.

En fait l'expérience de l'exotisme fut pour moi la découverte du XVIème arrondissement lors d'une expérience professionnelle dans une grande librairie de ce quartier. Je le connaissais d'avant, j'ai toujours vécu en région parisienne, mais pas "de l'intérieur". J'avais également déjà travaillé dans un "Beau quartier" (les Champs Élysées).
Mais ce fut différent.
J'ai découvert, lors de livraisons des appartements qui occupaient l'intégralité d'un étage d'immeuble, des appartements que l'ascenseur desservait directement (il y avait au moins deux ou trois codes à composer) ; des personnes qui prenaient la voiture pour faire leurs courses comme dans une petite ville de province ; des objets neufs, luxueux et en bon état déposés chaque soir près des poubelles ; des gens qui achetaient des livres au métrage afin de garnir des étagères de la bibliothèque (la pièce, pas le meuble) d'une maison de campagne récemment achetée ; des enfants d'une dizaine d'années qui se comportaient déjà comme des dirigeants courtois (1) ; un monde où une dame très âgée masquait sa solitude dans un appartement avec vue sur la Tour Eiffel comme au cinéma et la compagnie d'une dame de compagnie que terrorisaient les descendants (2) ; un monde dans lequel un prince (?) élégant (3) venait demander à la libraire de faire un paquet cadeau pour l'ouvrage qu'il venait de recevoir via Amazon et était stupéfait que je ne m'exécute pas dans l'enthousiasme et la joyeuse servilité. 
Heureusement, le quartier était par ailleurs également touristique et les touristes me permettaient ... de ne pas me sentir trop dépaysée.

Quand on a grandi en banlieue, même en étant issue de la classe moyenne - celles et ceux qui s'en sortent sans le moindre gras dans le budget, et en bossant très fort -, l'exotisme, y a pas à tortiller, ce sont certains des beaux quartiers.
C'est sans doute moins vrai de nos jours, avec l'internet des réseaux sociaux qui permet une plus grande perméabilité, et de voir ce qui se passe dans d'autres places sociales que les nôtres, ce qui pour le meilleur comme pour le pire, participe d'un relatif décloisonnement. 

 

(1) Mes collègues s'en félicitaient, Qu'ils sont polis et bien élevés. J'étais la seule à frémir, ils donnaient des ordres et savaient déjà les habiller sous les apparences d'une demande élégante, alors qu'ils auraient dû être en train de s'amuser, dès les devoirs d'école achevés. Ils n'avaient déjà plus une once de spontanéité dans leurs relations humaines, et ça allait de soi. 
(2) Je ne l'ai compris que très à retardement. 
(3) J'ignore d'où ça me vient mais je sais reconnaître les habits sur mesure, les tissus de grande qualité, les chaussures faites à façon.

 

 

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Iwak #3 – Bottes (Boots)

 

    La première idée qui me vient au sujet de "bottes" est issue de souvenirs d'enfance, fin des années 60, début des années 70, les bottes en caoutchouc qu'on nous faisait enfiler pour aller à l'école dès lors qu'il pleuvait.
Elles ressemblaient à cela. Doublure intérieure rudimentaire, donc on grelottait des pieds l'hiver, dessus évasé donc pour les petites filles en collants l'eau rentrait par le dessus, et quand on était en pantalon on ne savait jamais si on devait coincer le pantalon dedans - ce qui faisait des plis inconfortables et à la marche douloureux - ou le forcer glisser par dessus, ce qui, tissus tendu, rendait également la marche difficile.
Peu après, la mode incontournable des pantalons pattes d'éph' avait résolu la question. 
S'il ne faisait pas trop froid ces bottes nous offraient un effet K-Way incontournable et les pieds étaient plus trempés que dans des chaussures mouillées, mais en raison de la transpiration.
Le seul avantage était de pouvoir sauter à pieds joints dans les flaques, en toute impunité. Et comme elles se lavaient d'un jet, on ne se faisait jamais disputer de les avoir salies. 
Je crois me rappeler que les miennes étaient d'une sorte de beige foncé, ce qui était inhabituel en ces temps de couleurs vives. Plus tard ma sœur et moi en avons eu des rouges avec une bordure souple qui fermait et évitait à l'eau de rentrer par en haut. Les bouts étaient arrondis au lieu d'être pointus et la semelle épaisse, déjà tout un confort.

Rétrospectivement, je m'amuse de constater à quel point nous étions adaptables et dans l'ensemble peu douillets. J'ai des souvenirs d'aller en classe l'hiver en sous-pulls, ma mère croyant à un pouvoir de chaleur qu'ils n'avaient pas ; les miraculeux K-Way alors repliés en pochette que l'on portait à la taille et qui nous trempaient de l'intérieur, la chaleur l'été qui semblait normale - en région parisienne, du moins, on ignorait totalement l'existence de la climatisation -. 

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Iwak #2 – Découvrir (Discover)


    D'abord, il y aura eu l'internet et le monde entier à portée de clics. Même si les temps pionniers où l'on était entre gens de bonne volonté sont depuis longtemps révolus et les marchands et les haineux et les rétrogrades, racistes et autres belliqueux ont envahi ces espaces, il n'en demeure pas moins la possibilité infinie de se documenter soudain sur un sujet et d'en découvrir d'autres par sérendipité. Tant que je disposerai d'un cerveau en état de fonctionner, et d'un outil pour accéder, j'adorerai ça, sans me lasser. 
Je suis quand même d'une génération qui devait se coltiner des heures de recherches dans toutes les bibliothèques du collège et de la ville et des environs et feuilleter tous les journaux que mon père avait conserver afin de dénicher une bribe d'information sur par exemple : LES CORONS (sujet d'exposé dont j'avais hérité). Reconnaissance éternelle à ma défunte mère qui à l'époque s'était trouvée malgré elle embarquée dans l'aventure. 
Génération qui, lorsqu'elle dénichait enfin un élément de réponse, devait encore se mobiliser pour dégotter un lieu où en faire une photocopie ! 
J'ai l'impression écrivant ces lignes, de provenir de l'antiquité.

À présent, et même si aux heures perdues qui me manquent tant, je suis encore une grande voyageuse des liens pour s'instruire, et si possible dans des domaines totalement inutiles à quoi que ce soit pour ma vie quotidienne, le verbe "découvrir" me fait davantage songer à la course à pied.

C'est mon régal et plus fort encore depuis les confinements et la pandémie de Covid 19 : caler mes séances en endurance fondamentale avec de l'exploration de quartiers, campagnes, bois et chemins, routes et rues et passages encore inconnus. J'adore partir à la découverte. Je ne m'en lasse pas. Je tente, le plus souvent en vain, de me perdre, d'y aller au sens du vent et de Tiens ça a l'air joli par là, de prendre un train ou un métro jusqu'à un certain point et de gambader à partir de là. Puis quand approche l'heure de 2/3 de la séance, regarder sur le téléfonino où je suis rendue et concevoir un chemin de retour à peu près dans les temps.

Ce qui m'épate le plus souvent, ce sont non pas tant les découvertes de lieux ou d'ambiances si différentes et diverses en relative proximité, que la vitesse avec laquelle la ville change et par ailleurs notre capacité à être restés pendant des décennies, pris par le travail et la vie de famille avec parents vieillissants et enfants petits, à arpenter les mêmes circuits, les mêmes trajets, les mêmes quartiers. Nous vivions dans une agglomération, une région, sans les connaître vraiment.

Je ressentais déjà le besoin d'élargir le champ d'action, ce blog ne s'appellerait pas Traces et trajets sinon, mais j'étais loin d'imaginer l'ampleur de ce qui restait et reste encore à découvrir, à portée de Pass Navigo, combiné ou non avec le vélo. Chic alors !

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[Rueil Malmaison, fin septembre, lors d'une des séances de course à pied ainsi improvisée, sur le mode, Tiens sur la carte on dirait qu'il y a une forêt]

 

 

Participation à Iwak ( Inktober with a keyboard ) en théorie : un article par jour d'octobre avec un thème précis. Je l'adapte à mon rythme et à ma vie. Peut-être qu'en décembre, j'y serai encore.
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Team triathlète et handicap invisible


    Rien de comparable nous n'avons pas le même niveau ni du tout le même âge (la jeune championne pourrait être ma fille), mais hier à la soirée de remerciements organisée par la ville en post-J.O. pour ses athlètes, ses bénévoles, les présidents des associations sportives, les personnes du lycée René Auffray et celles et ceux de la ville aussi, j'ai croisé Camille Sénéclauze.

Je savais, je crois, qu'elle était triathlète et qu'elle était arrivée 4ème au paratriathlon des J.O.. Seulement j'ignorais la nature de son handicap et découvrant cette vidéo de la chaîne Petite Mu sur YouTube, j'ai compris que chacune à des niveaux différents nous avions bien des points communs. 
La fatigue permanente et le triathlon, parlons-en.  

PS : Au passage on voit bien la ville et quelques lieux d'entraînements, dont notre bonne vieille piscine, et ça fait chaud au cœur (même si mes propres lieux sont depuis un paquet d'années plutôt à Levallois, où se situe le club dont je fais partie).

PS' : Au passage aussi, un collectif (je ne sais quel mot employer) à suivre, Petite Mu et qui traite du sujet trop peu évoqué des handicaps invisibles. 

PS'' : Il serait temps que je reprenne un peu le fil de mon propre blog Mauvais sang. Il y a si peu de documentation. Ça pourrait être utile encore à d'autres personnes.

 

 

 


Le jour où j'ai capitulé face à Truczone

 

    Pour être honnête, une partie de la capitulation avait eu lieu entre Covid et nouveau boulot - pas si nouveau que ça, à présent -, lorsqu'il manquait de menus objets précis - une recharge, un médicament italien, des lacets techniques, un bracelet de montre de sport, un cordon d'alimentation, un livre introuvable ailleurs ... -, que je n'avais guère le temps de chercher ailleurs.
Et puis voilà que sur la partie vidéo "Born to run" qui prend en quelque sorte la suite de Team Ingebrigtsen, est diffusé en exclusivité. J'ai capitulé, j'ai pris l'abonnement (1).
Alors, même si je reste fidèle à la librairie de mes amies pour les achats de livres neufs - bien moindre qu'avant, l'âge venant impossible de lire tard et d'assurer au travail le lendemain matin -, et à un site ancien pour ceux d'occasion, je prends conscience que j'étais plus corruptible que je ne l'aurais cru.

À ma décharge, j'ai eu l'habitude de suivre des auteurs et autrices en devenir, et quelques musiciens, mais pour le sport c'est plus récent. Alors le gamin de 12 ans qui annonçait : je pense que je suis capable de devenir le plus rapide du monde et peu à peu l'a fait, dans un effort familial général (et on l'a su plus tard non sans conflits), c'est quelque chose qui me passionne.
Il faut dire aussi que j'apprécie l'humour nordique décalé, et que c'est extrêmement motivant, leur façon de sans cesse travailler. Et puis la série englobe la place primordiale des femmes, et des enfants, et c'est bon pour mon moral de dame d'un autre temps.

 

(1) Ou plutôt : j'ai cessé de le refuser systématiquement. Car ce sont les rois de l'opt out, l'air de rien.