Je suis quelqu'un qui dans la vie cumule souvent les petites malchances, mais m'en sors malgré tout.
Le Joueur de Pétanque est lui un chanceux : pour lui les trucs se goupillent plutôt bien, et parfois même alors qu'il a fait exactement ce qu'il fallait pour que ça foire.
Donc je pars tôt et j'arrive tout juste pour prendre le train, et lui part au dernier moment et quelque chose survient qui fait qu'il ne le manque pas.
Dans ma vie professionnelle, j'ai fini par renoncer à lutter : j'essaie de faire du mieux possible ce qui m'est confié, de faire équipe, mais j'ai renoncé depuis 2015 à toute ambition. C'est l'année où entre autre, un emploi qui se présentait à moi a littéralement été pulvérisé (le poste n'a plus eu de raison d'être, par ricochets) comme suite à un attentat. Sur le moment ce fut le cadet de mes soucis, et je me suis vite relancée sur mon premier métier, il n'empêche que par la suite, j'ai cessé d'y croire. D'ailleurs une des activités qui me convenait profondément, à savoir faire de la radio, et que j'étais parvenue, bénévolement, à accrocher avec un vrai sentiment d'être à ma place, a été réduite à néant par une pandémie mondiale, un confinement, et la nécessité de gagner ma vie m'a ensuite empêché d'y retourner.
Dans ma vie sportive, c'est une succession perpétuelle de bâtons dans les roues : rien de trop grave pour l'instant, car mes malchances sont rarement majeures (pourvu que ça dure), mais depuis un lot d'années, presque jamais je n'ai pu participer à une course dans laquelle j'avais mis une espérance de petite performance, sans qu'il n'y ait un facteur extérieur de blocage au dernier moment.
Ce qui fait de moi, assez souvent, the last of survivors, car je ne me laisse pas abattre et parviens presque toujours à limiter les dégâts, il n'empêche :
Il y a eu le triathlon M que j'ai dû reporter par trois fois avant de pouvoir honorer l'inscription (deux reports dus au Covid et ses restrictions, un dû au refus de jours de congés demandés pour s'y rendre), il y a eu celui pour lequel j'ai participé grâce à l'amie qui m'a passé au déboté son vélo, car la patte de dérailleur du mien avait été esquintée dans le transport et s'était prise dans la roue, il y a eu celui de cette année où sous l'effet du froid de l'eau + une tendinite à une épaule qui m'empêchait de crawler, j'ai dû renoncer au bout d'un tour de lac (1), le trail de La Chouffe l'an passé couru avec des jambes presque insensibles comme suite à des piqures de probables moustiques tigres quelques jours auparavant (2), le marathon de Bruges tenté après un Covid lors de la semaine qui précédait (3), le 10 km où j'étais au bord d'établir un RP à 1h03 mais où nous restons 20 minutes bloqués à la porte du stade où était l'arrivée car dans le passage qui y menait un coureur avait fait un malaise fatal (vite oublié, le potentiel RP, en pensant à cet homme et ses proches).
J'arrête là la liste sinon j'écrirai une saga. Et qui ne serait que triste.
Je vais me contenter de citer l'exception : le miracle à mon niveau des J.O. de Paris 2024 où tout, vraiment tout (4), s'est bien goupillé : les congés, la santé, les shifts de mes deux volontariats, des places pour certaines compétitions, la météo favorable (là où j'étais), l'ambiance générale extraordinaire. Autant dire que j'ai savouré. La dernière fois que j'avais connu pareille période sans contretemps, c'était en 1998 lorsque la chorale dont je faisais partie avait participé aux concerts au Stade de France de Johnny Hallyday. Et encore, un des concerts avait été reporté pour cause d'orage violent.
Toujours est-il que puisque je n'ai toujours pas renoncé à l'idée de parvenir à courir un marathon, prévu au printemps, mon projet de courir à l'automne un semi suivi une semaine plus tard d'un 20 km pour voir comment les gambettes encaisseraient l'ensemble, n'a pas dérogé à la règle des obstacles extérieurs :
une chute à l'entraînement, consécutive à la présence de personnes que j'avais voulu éviter (5), un rhume qui me tombe dessus le vendredi pour la course le dimanche (Les gens viennent bosser malades par conscience professionnelle mais ça n'est pas sans conséquences), et une douleur gênante au bras droit apparue sans cause évidente la veille au soir, ne m'avaient pas permis de courir le semi-marathon avec l'énergie et l'allure attendues. J'ai réussi, mais à 7 minutes du temps escompté (6).
Alors j'avais décidé pour le 20 km et comme pour une fois j'avais bénéficié de circonstances favorables (une semaine de congés non sollicitée placée judicieusement entre les deux par le responsable du service), de me donner à fond.
Las, des voisins sans respect, qui n'ont pas même mis une affichette pour avertir, un ou deux étages en dessous (difficile à évaluer tant c'était assourdissant), en avaient décidé autrement qui ont donné une fête avec musique à fond jusqu'à 02:35. J'ai donc couru avec un nombre d'heures de sommeil très réduit. Pour autant : bouclé dans les temps, gestion optimale de la pause pipi inévitable ainsi que des ravitaillements.
Les lendemains seront difficiles, j'ai six jours à enquiller de travail salarié et c'est toujours plus dur à un retour d'absence, il n'empêche, j'ai ce soir le sentiment d'avoir enfin un tantinet vaincu l'adversité.
(1) Parfois renoncer c'est survivre : j'étais déjà, sans le savoir, en hypothermie et par ailleurs, tous l'ignoraient, le lac était pollué et si j'avais bouclé l'ensemble du parcours nul doute que j'eusse été saisie comme la plupart de mes camarades, d'ennuis gastriques et digestifs assez conséquents.
(2) + une belle réaction allergique, c'était impressionnant
(3) D'où un arrêt "à la raison" au km 30 car même si mon esprit de compétition voulait boucler, mon cerveau pensant a réfléchi qu'on n'a pas de vie de rechange et que ce jour-là, forcer était risqué.
(4) À la réflexion, non, pas tout : l'employeur du Joueur de Pétanque a commencé a avoir de sérieux ennuis et son salaire n'arrivait pas, probable perte d'emploi pour raisons économiques dans les mois à venir. Mais à l'expérience, je m'étais dit : 1/ On verra plus tard ; 2/ On s'en sortira.
On est plus tard et ça risque de n'être pas simple. Mais bon, voilà.
(5) La leçon a été retenue : lors de la course aujourd'hui j'ai repoussé un cycliste et plus tard deux piétons qui avaient décidé de traverser devant mes pieds. Plutôt que de risquer à cause d'eux de chuter. Non, mais !
(6) Pour info pour les non-coureurs, c'est beaucoup.